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Articles

Affichage des articles associés au libellé nostalgie

Pour peu qu'on s'en souvienne

  F ace au temps qui passe, qui emporte avec lui les rires des enfants et les Mistral gagnants, on est tenté de s'interdire tout sentiment nostalgique. Tenté de ne pas se torturer avec ces souvenirs d'un temps révolu, d'une enfance heureuse, d'une histoire d'amour achevée, d'un ami qu'on a perdu de vue, ou perdu tout court, d'ailleurs. Nombreuses sont les personnes qui s'épargnent toute mélancolie, en refusant de plonger leur regard dans cet abîme. Je suis le premier à m'être encouragé, certains soirs, à me tourner résolument vers l'avenir, vers ce qui n'est pas encore advenu. Ne penser qu'au présent et à ce qui arrive bientôt, pour se libérer des chaînes de ce passé qui ne passe pas. Être créatif, pour être créateur, pour écrire un autre chapitre existentiel, pour faire naître du nouveau. Faire table rase, recommencer encore et encore. De l'avant. Le hasard m'a amené ce soir à tomber sur ce vers d'Aragon : ...

Sourire d'apaisement

I l y a l'odeur de la mer, au Pouliguen, quand s'ouvre la porte de la maison, et qu'on aperçoit l'horizon des vacances. J'ai encore l'âge de l'insouciance, et je sais que les jours qui s'annoncent seront doux, sablés, ensoleillés ; je sais que je pourrai bientôt plonger dans l'océan, sentir le sel dans mes cheveux, les vagues qui roulent et m'emportent. On lira Agatha Christie sur la plage, avant de rejoindre le trou du diable , pour finir la journée par la crêperie perchée sur son rocher. Il y a l'herbe fraîche de Soucy, sur laquelle on étend une large couverture, pour s'allonger dans les parfums du printemps, sous les branches du cerisier, au bout desquelles renaît doucement la vie. J'ai mes écouteurs d'iPod dans les oreilles, et je sens poindre la sueur sur mes avant-bras baignés de soleil. Mes frères et sœurs sont affairés, dans le jardin : jardinage, dessins, siestes et arrosage. Bientôt,  des enfants joueront dans l...

Pourquoi je crois toujours au Père Noël.

J 'ai six ans. Mes yeux viennent de s'ouvrir, après une nuit délicieuse. J'ai beau être encore dans mon lit, je trépigne déjà. Je sais que les cadeaux sont là, au pied du sapin, dans le salon, à quelques mètres seulement. Je n'ai pas cherché à surprendre le Père Noël, je n'ai pas guetté cet être mystérieux dont me parlent mes parents. C'est beaucoup plus beau, plus magique, de laisser opérer en silence ce bienfaiteur qui passe, chaque année, sans laisser de trace derrière lui, si ce n'est la clémentine épluchée sur la table à manger. Et le verre de cognac, vidé.  Mon frère, déjà levé, attend devant la porte. Ma mère a le sourire aux lèvres. Mon père semble chercher dans l'obscurité le CD que l'on met à chaque fois, ce matin-là. J'ai longtemps cru que la chanteuse prononçait réellement, au moment du refrain : "c'est Noël, c'est Noël, c'est Noël…". Il y a des assonances qu'on n'oublie pas. Mon autre frèr...

Nous sommes tous des enfants

C e soir, dans les rues, les gens seront tristes ou joyeux, parce qu'onze joueurs, à quelques 9000 kilomètres de là, auront réussi, ou non, à pousser un ballon dans des filets. Des millions de personnes vont avoir les yeux rivés sur un simple match de football, et cela aura une répercussion directe sur leur environnement, sur leur humeur, sur leur motivation. Sur leur propension à consommer, aussi. Sur l'économie toute entière, du coup. Nous sommes tous de grands enfants . Tous ces gens que je croise en permanence, qui travaillent près de moi, qui ont la mine fermée en hiver et le sourire aux lèvres en été, qui semblent si contrariés parfois par les responsabilités de la vie quotidienne, si occupés par les impératifs de la vie adulte, sont encore, à bien des égards, des enfants. "Créer, c'est toujours parler de l'enfance" . Jean Genet J'aime penser à cela, de temps en temps, au détour d'un couloir.  Ou quand je traverse l'open ...

La vie, en chantier

A vec les beaux jours - que l'on attend toujours, mais enfin bon… - les travaux commencent à Paris. On entend le bruit du marteau-piqueur en se rendant au bureau, le matin. On voit se dresser les échafaudages, et se former des nuages de poussière que de rares rayons de soleil traversent parfois. Il se trouve que ce sujet prend un sens particulier pour moi, car des travaux de ravalement de la façade de mon immeuble ont été initiés ces dernières semaines ; et qu'un hasard malencontreux a fait que le mur de mon appartement s'est partiellement effondré . Ce dimanche, j'ai donc utilisé la pelle et la balayette pour nettoyer ces fracas de pierre et de bois, dans ma chambre à coucher, avant de ranger minutieusement tous les objets attenants au mur fragilisé, mur qui va être refait à neuf prochainement. Un grand rangement de printemps , en somme, imposé par les circonstances. “On ne met pas son passé dans sa poche ; il faut avoir une maison pour l'y ranger”. Sartre...

Le Parapluie

Mer agitée, localement forte.

F in de semaine. Changement de saison. Une étrange luminosité. On ne sait pas bien quel temps il fait, ni comment se vêtir exactement. Il se met à pleuvoir, assez fort, puis ça s'interrompt, et ça recommence de plus belle. C'est une période singulière. Les jambes ne sont pas encore nues sous les jupes, les chemises pas encore tout à fait ouvertes au col. Les mines pas tout à fait réjouies. Comme si tout le monde était en plein jet lag .  Le monde entier lost in translation .  On me rétorquera peut-être que c'est le destin du commun des mortels : les hommes errent en permanence, sans savoir d'où ils viennent, et encore moins où ils vont. Tout le monde a fini par comprendre que tout cela ne rimait à rien, au fond, et que le mieux était encore de tomber amoureux et de vivre aussi paisiblement que possible. Météo marine Étrange luminosité, donc, mais plutôt douce atmosphère. Des sensations me reviennent, de l'enfance. Je me souviens de la voix féminine qu...

Je ne veux pas quitter

Tant je l'aimais qu'en elle encor je vis

T ant je l'aimais qu'en elle encor je vis Et tant la vis, que malgré moi, je l'aime Le sens, et l'âme y furent tant ravis, Que par l'œil fault, que le cœur la désaime. Est-il possible en ce degré suprême Que fermeté son oultrepas révoque ? Tant fut la flamme en nous deux réciproque Que mon feu luit, quand le sien clair m'appert, Mourant le sien, le mien tôt me suffoque, Et ainsi elle, en se perdant, me perd. Maurice Scève

Les Hommes aussi ont neuf vies

C haque vie comporte plusieurs époques . La personne que je suis aujourd'hui n'est pas tout à fait la même - ni tout à fait une autre - que celle qui existait il y a cinq ou six ans. Qu'on le veuille ou non, nous changeons, et ce qui se passe  autour de nous - ou  pour  nous -, change également. Le hasard, les circonstances, modifient en profondeur notre environnement. Se souvenir Il n'est pas facile de se souvenir réellement  de celui qu'on était, et de cette vie qu'on menait auparavant. Je fouillais hier soir dans mes tiroirs, à la recherche de ma première copie de Philo, au Lycée. Le sujet de cette première dissertation philosophique  était : “ D'où vient que l'on s'ennuie ? ”.  J'avais aimé cette question. L'ennui en lui-même est un sujet particulièrement riche pour un lycéen de 17 ans. C'est un peu son compagnon du quotidien, près du radiateur, quand les aiguilles de l'horloge semblent tourner au ralenti. Cette questi...

Soleils Couchants

U ne aube affaiblie Verse par les champs La mélancolie Des soleils couchants. La mélancolie Berce de doux chants Mon cœur qui s'oublie Aux soleils couchants. Et d'étranges rêves Comme des soleils Couchants sur les grèves, Fantômes vermeils, Défilent sans trêves, Défilent, pareils À des grands soleils Couchants sur les grèves. Paul Verlaine

Ni trop tôt et ni trop tard

D e nouveau, je me retrouve chez moi. La nuit, pleine, entière, dense, enveloppe tout depuis plusieurs heures. Le froid pénètre par les interstices, alors je me reproche du radiateur électrique.  J'écoute Jeanne Moreau, qui chante : “ peu m'importe la tyrannie, et le règne des soudards. Tant qu'ils nous laissent la vie. Tant qu'aimer n'est pas trop tard ”. Puis : “ que m'importe le temps qui passe et s'éloigne nulle part. Le doux présent nous enlace, tant qu'aimer n'est pas trop tard. Sais-tu bien mon tendre ami, qu'un jour se dissout la vie ? Comme s'effacent les brouillards, mieux vaut s'estomper ensemble, sans une seconde d'écart. Mieux vaut s'estomper ensemble… ni trop tôt et ni trop tard ”.  Tant qu'aimer n'est pas trop tard Ça me fait penser au film Amour  vu récemment. À ces deux vieux qui vieillissent ensemble ; à l'amour qui dure. Parfois, avec le temps , on aime encore , aussi fou que cela puis...

Juste en bas de chez moi

Cette photographie de Richard Vantielcke fait partie d'une série d'images - appelée “ Urban Oasis ” - toutes  prises de nuit, et qui rendent hommage aux petits commerçants ouverts quand les autres enseignes sont fermées.  Comme par hasard En l'occurrence, le hasard fait qu'il s'agit aussi d'une photographie de l'épicerie qui était en bas de chez moi, rue Gay-Lussac. Et puisque le hasard fait, paraît-il, bien les choses, je me disais qu'il était naturel d'en faire un billet de blog. Cette petite épicerie, lieu-phare de mon enfance - et pour cause -, me renvoie à ces soirs où j'allais chercher une bouteille de lait, ou je-ne-sais-quoi d'autre, juste en bas . Je me souviens aussi, bien sûr, du boulanger d'en face. J'avais six ou sept ans, je prenais “le porte-monnaie de la famille” (formule consacrée), petit porte-monnaie en cuir qui contenait dix ou vingt francs. Je descendais quatre-à-quatre les escaliers de l'imme...

C'est à moi

P aris. 19h35. Je suis assis à l'arrière du bus, au fond, sur la gauche, juste à côté de la vitre. Je rentre du boulot. Le 21 traverse l'avenue de l'Opéra, emprunte la rue Saint-Honoré. Il fait nuit noire, déjà ; et il pleut à grosses gouttes. J'ai un peu froid.  J'écoute de la musique. J'écoute ça , pour être tout à fait précis. Je repense à ma journée, à celle qui s'annonce demain, puis, très vite, je ne pense plus à rien de précis. Je me laisse prendre par ce que j'entends, ce que je vois, par le rythme de la musique, par les passants inconnus qui hâtent le pas, bien cachés sous leur parapluie. Je me dis que je suis heureux. Gouttes lumineuses Je sors mon iPhone, je regarde les actualités, je vérifie que je n'ai pas de mails importants, puis je repose mon regard sur l'extérieur, sur ces boulevards parisiens que je perçois à travers la vitre embuée, teintée de gouttes lumineuses. Je reste là un instant, absorbé par ce spectacle a...