Accéder au contenu principal

C'est à moi

Paris. 19h35. Je suis assis à l'arrière du bus, au fond, sur la gauche, juste à côté de la vitre. Je rentre du boulot. Le 21 traverse l'avenue de l'Opéra, emprunte la rue Saint-Honoré. Il fait nuit noire, déjà ; et il pleut à grosses gouttes. J'ai un peu froid. 
J'écoute de la musique. J'écoute ça, pour être tout à fait précis. Je repense à ma journée, à celle qui s'annonce demain, puis, très vite, je ne pense plus à rien de précis. Je me laisse prendre par ce que j'entends, ce que je vois, par le rythme de la musique, par les passants inconnus qui hâtent le pas, bien cachés sous leur parapluie. Je me dis que je suis heureux.

Gouttes lumineuses

Je sors mon iPhone, je regarde les actualités, je vérifie que je n'ai pas de mails importants, puis je repose mon regard sur l'extérieur, sur ces boulevards parisiens que je perçois à travers la vitre embuée, teintée de gouttes lumineuses. Je reste là un instant, absorbé par ce spectacle automnal qui me rappelle mon enfance, à l'arrière de la voiture, quand nous rentrions de week-end, en écoutant Maman les Petits Bateaux avant Le Masque et la Plume, coincés dans un embouteillage. Je m'endormais, souvent, et mes parents me portaient, au sortir de la voiture. Il fallait dîner, ensuite : Les Spaghetti du dimanche soir. Puis s'endormir pleinement, enfin, dans la douceur d'un lit, en écoutant le bruit de la pluie. Ô le bruit de la pluie, par terre et sur les toits. 
Je prends une photo de ce décor familier.


Tous ces autres, et moi

Car désormais, je suis là, j'ai 25 ans, c'est moi qui rentre du travail. C'est à moi de découvrir que ces moments d'enfance ont un écho éternel, de ressentir toute leur force, soudainement. C'est à moi de prendre conscience que ces moments vécus le sont pour toujours, qu'ils me reviendront longtemps, sans doute. C'est à moi de saisir ce que la nostalgie a de puissant. C'est à moi. 
Après tous ces autres, que je croise depuis ma naissance dans la rue, dans le métro, dans les lieux publics, à droite, à gauche, tous ces autres qui vivent, comme moi, qui se nourrissent, comme moi, qui aiment, qui se divertissent, qui s'attachent à donner le meilleur d'eux-mêmes, si souvent, qui sortent, se rencontrent, se croisent, sans cesse. 
Tous ces autres, qui, comme moi, rentrent du boulot, la nuit tombée, sous la pluie.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Derrière les mots et les images des médias sociaux

J amais il n'y avait eu de si longues périodes de silence sur mon blog. Aucun post depuis février. Je crois que j'avais besoin de prendre un peu de recul. De m'interroger aussi sur ma présence en ligne. Allez savoir si c'est l'âge - le mien, d'ailleurs, ou celui d'Internet - ou autre chose encore : mais on finit par se poser des questions sur ces mots qu'on donne à lire. C'est sans doute à force de consulter les plateformes sociales. Toutes ces images, ces vidéos, ces sourires affichés, qu'on voit quotidiennement. En sachant aussi ce qu'ils cachent. C'est notre époque : nous possédons des outils de plus en plus performants pour communiquer, mais ce que nous communiquons est souvent loin de ce qui nous anime véritablement. Souvent loin de ce que nous sommes. En résulte sans doute parfois un certain mal-être, qui est compensé par ces mêmes outils numériques nous offrant des solutions de méditation ou des cures de sommeil. C'est la montr

Puisqu'il faut vivre avec

J e ne sais même pas par où il faudrait commencer. Ce n'est finalement pas simple d'écrire face à une situation inédite, imprévisible, surprenante, historique. J'ai plutôt l'habitude de décrire ici de petits aspects du quotidien, de partager des réflexions personnelles, sans grande prétention. Soudain, le monde s'écroule. Tenir un blog en pleine crise sanitaire mondiale apparaît quelque peu illusoire.  J'écrivais pourtant, sur ce même blog, il y a plusieurs années maintenant, ce sentiment de vivre depuis ma naissance le temps des crises perpétuelles . J'entendais parler depuis toujours - du moins était-ce mon sentiment - de crise. Crise de l'éducation nationale, crise du travail, crise identitaire, crise de l'hôpital, crise écologique bien sûr, crise migratoire, crise économique, j'en passe et des meilleurs. La crise était devenue la norme. Et c'est de nouveau le cas, il me semble. Nous vivons l'époque d'une crise continue.

Pourquoi j'aime la Poésie

J e ne saurais expliquer comment m'est venue l'envie d'apprendre par cœur des poèmes, quand j'avais une dizaine d'années. Bien sûr, il y avait des livres chez moi. Des bibliothèques qui accordaient une place non négligeable à la poésie. Bien sûr, j'aimais ces recueils, qui s'ouvraient d'eux-mêmes aux pages les plus précieuses, offrant ces mots qui disaient tout  en disant  peu . " Il faut peu de mots pour dire l'essentiel ". Bien sûr, j'avais la chance d'avoir, à portée de la main, Aragon, Baudelaire, Éluard, Reverdy ou Rimbaud. Et puis, il y avait mon arrière-grand-père, cet héritage culturel transmis dès le plus jeune âge. Ce Victor Segalen dont je pouvais parcourir les ouvrages originaux. Pour sentir ce papier proche d'un papyrus, soigneusement plié entre deux plaques de bois fines que tenait jointes un ruban. Ça aide, d'avoir ainsi dès l'enfance une admiration pour l'écriture. Et une raison supplémentaire