Il y a l'odeur de la mer, au Pouliguen, quand s'ouvre la porte de la maison, et qu'on aperçoit l'horizon des vacances. J'ai encore l'âge de l'insouciance, et je sais que les jours qui s'annoncent seront doux, sablés, ensoleillés ; je sais que je pourrai bientôt plonger dans l'océan, sentir le sel dans mes cheveux, les vagues qui roulent et m'emportent. On lira Agatha Christie sur la plage, avant de rejoindre le trou du diable, pour finir la journée par la crêperie perchée sur son rocher.
Il y a l'herbe fraîche de Soucy, sur laquelle on étend une large couverture, pour s'allonger dans les parfums du printemps, sous les branches du cerisier, au bout desquelles renaît doucement la vie. J'ai mes écouteurs d'iPod dans les oreilles, et je sens poindre la sueur sur mes avant-bras baignés de soleil. Mes frères et sœurs sont affairés, dans le jardin : jardinage, dessins, siestes et arrosage. Bientôt, des enfants joueront dans l'arc-en-ciel du jet-d'eau qu'on fait tournoyer.
Il y a la montagne, immense, fière, italienne, qui se dresse vers un ciel pur de tout nuage. C'est Craveggia, ce petit village perdu au beau milieu de nulle part, et j'entends les cloches de l'église qui teintent dans mon souvenir. Je joue à Mario Bros sur la Nintendo, et j'aime voir la façon dont avance Yoshi. Plus tard, on pourra s'éclater avec Street Fighter. À force d'appuyer sur tous les boutons, on finit par découvrir des coups sublimes. Ensuite, je pourrai m'installer dans le salon pour lire Thorgal, en écoutant Clémence qui joue du piano.
Il y a Soprano, mon chat d'alors, qui monte l'échelle jusqu'à mon lit en hauteur, et dont j'aperçois soudain la tête tigrée, ébouriffée. Il ronronne déjà, et je peux le prendre contre moi, plonger la main dans sa fourrure généreuse. L'appartement de la rue Gay-Lussac est plutôt grand, mais il sait où me trouver, pour avoir quelques caresses.
Il y a la voix de Miossec, dans la petite voiture blanche, sur les routes de Fécamp. Je suis bien. Je n'ai rien à craindre, rien à redouter. Je peux me détendre, observer le paysage au travers de la fenêtre. Je termine mes études de Lettres ; ma vie se déroule de la meilleure des façons. Je n'ai pas encore vingt ans, et je me sens pourtant déjà adulte, libre, pour croquer l'existence à pleines dents. Tout à l'heure, les pieds se croiseront sous la couette, et nous rirons de voir Eugénie, avec son narguilé.
Il y a cette partie de poker, avec ces si proches amis, dans le désert américain. Nous roulons depuis plusieurs jours, d'un lieu magique à un autre. La vie nous appartient. Et voilà que nous sommes installés en terrasse, sur ces bancs en bois ciselé, les jambes étendues sous la table, pour achever une douce soirée d'été en faisant tomber les cartes. Plus tôt dans la journée, nous galopions dans Monument Valley, comme de vrais cow-boys. Et c'était presque trop beau pour être vrai.
Il y a enfin le week-end qui s'annonce, la neige qui est tombée aujourd'hui, et qui me rappelle tant de souvenirs. Je vais pouvoir ajouter de nouveaux instants, bientôt, à cette liste précieuse de moments délicieux. Ces minutes où le temps suspend son vol, où l'on peut lâcher prise, observer autour de soi, penser à ceux que l'on aime, et sourire.
Oui, sourire, simplement. Sourire d'apaisement.
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