Ce soir, dans les rues, les gens seront tristes ou joyeux, parce qu'onze joueurs, à quelques 9000 kilomètres de là, auront réussi, ou non, à pousser un ballon dans des filets. Des millions de personnes vont avoir les yeux rivés sur un simple match de football, et cela aura une répercussion directe sur leur environnement, sur leur humeur, sur leur motivation.
Sur leur propension à consommer, aussi. Sur l'économie toute entière, du coup.
Nous sommes tous de grands enfants. Tous ces gens que je croise en permanence, qui travaillent près de moi, qui ont la mine fermée en hiver et le sourire aux lèvres en été, qui semblent si contrariés parfois par les responsabilités de la vie quotidienne, si occupés par les impératifs de la vie adulte, sont encore, à bien des égards, des enfants.
"Créer, c'est toujours parler de l'enfance". Jean Genet
J'aime penser à cela, de temps en temps, au détour d'un couloir.
Ou quand je traverse l'open space.
Il y a les caprices, les joies soudaines, les désirs ardents d'obtenir un nouveau jouet - que sont les smartphones, sinon des jouets ? -, les jalousies, l'insouciance, les rires sincères, les rêves, les cauchemars, l'impatience, la fébrilité, la peur, le besoin d'être protégé, ou de ne pas être seul, les bêtises, la fierté lorsque l'on réussit un projet, les imprudences, les coquineries.
"Par la caresse, nous sortons de notre enfance, mais un seul mot d'amour et c'est notre naissance". Paul Eluard
Un match, et tout un pays sera triste ou joyeux. Un match, et l'ambiance sera radicalement différente, quand je rentrerai chez moi, dans le onzième arrondissement de Paris, selon que l'équipe nationale sera sortie victorieuse ou vaincue. C'est un peu absurde.
Mais je trouve ça bien, en vérité. J'aime que le monde dépende de si peu de choses, parfois. J'aime cette simplicité. On finit par oublier, quand on devient adulte, à quel point des petits riens peuvent contenir des enjeux colossaux, pour les enfants.
Je me souviens d'une partie de Risk avec mon neveu, qui n'était plus si jeune. Je faisais l'orgueilleux et le fier, en le battant ; en nouant des alliances avec d'autres joueurs autour du plateau. Quand soudain, il s'est mis à pleurer. Je ne m'y attendais tellement pas.
Je me souviens d'une partie de Risk avec mon neveu, qui n'était plus si jeune. Je faisais l'orgueilleux et le fier, en le battant ; en nouant des alliances avec d'autres joueurs autour du plateau. Quand soudain, il s'est mis à pleurer. Je ne m'y attendais tellement pas.
Pour moi, ce n'était qu'une partie de Risk. Pour lui, c'était autre chose qui se jouait.
Je crois que c'est lui qui avait raison. Et que c'est cela qu'il faut - toujours - avoir à l'esprit.
© illustrations : https://www.behance.net/gallery/3245595/Back-To-Childhood
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