Accéder au contenu principal

Ce que je vois, chaque jour…

L'œil s'ouvre. Il est 7h, et mon réveil me tire d'un rêve probablement merveilleux. J'ai les yeux encore pleins de sommeil. Comme 60 % des Français, je consulte pourtant mon téléphone dès les premiers instants de la journée. Et comme une personne sur deux, je regarde si j'ai des notifications sur Facebook, ou Twitter.

Devant ma rétine défilent déjà des contenus variés, des photos, des actualités, des publicités diverses, des messages de toutes sortes. Des mails. Mes yeux savent où regarder, où piocher l'information, ils n'errent pas en vain sur une page web. Ils viennent cueillir, simplement, le message inbox, dès lors qu'ils repèrent l'icône en haut à droite.

La journée commence. D'ici quelques minutes, je serai dans la rue, sur mon vélo, ou dans le métro. Je verrai alors Paris, sous un soleil étincelant. Tous ces gens qui s'affairent, qui se pressent, qui se ruent, se bousculent. Je verrai ces mines réjouies, aussi, à la terrasse des cafés. S'il m'arrive de traverser la Seine, j'admirerai, comme toujours, l'île de la cité, les tours lointaines de Notre-Dame, et les couleurs du printemps sur le fleuve agité. Je penserai probablement au poème de Guillaume Apollinaire : sous le pont Mirabeau. J'avais neuf ans quand je l'ai appris pour la première fois. Je savais peu de choses, à l'époque, des histoires d'amour, ou du temps qui file, sans cesse. Mais je peux aujourd'hui me le réciter à voix basse, si je le souhaite. Et ça, c'est précieux.

Le nombre de vues

Il n'y a aucune application - pour l'instant, et heureusement, sans doute - qui me permette de savoir combien de fois j'ai vu telle ou telle chose, au cours de la journée. Combien de regards j'ai pu échanger avec combien de personnes. Les applications de Quantified Self se contentent pour le moment de mesurer le nombre des pas que l'on fait, le nombre de calories que l'on ingère.

Je sais, malgré tout, selon plusieurs études, que mes yeux voient en moyenne entre 500 et 2000 publicités, chaque jour. Je sais aussi que mon regard se posera sur mon mobile 150 fois aujourd'hui. Cela fait beaucoup, quand on y pense. Et nous vivons dans un monde où ce que l'on voit importe plus que tout : ce qui intéresse les marketeurs, bien souvent, c'est le nombre de "vues". Le nombre de téléspectateurs. Ce que l'on veut savoir, c'est combien de paires d'yeux se trouvaient effectivement devant telle ou telle émission, à l'instant T.

Je pensais à ça, tout à l'heure. Et j'avais envie de fermer les yeux. On ferme toujours les yeux pour une bonne raison. On ferme les yeux quand on dort, quand on rêve ; on ferme les yeux quand on plonge la tête sous l'eau, dans son bain, ou dans l'océan ; on ferme les yeux quand on cherche à se souvenir d'un moment essentiel ; on ferme les yeux - surtout - quand on embrasse la personne que l'on aime.

Cela m'invite à conclure avec cette citation de René Char que j'aime beaucoup : "Si l'homme, parfois, ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d'être regardé". 

illustration Kollected ©

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je propose Samdim

Réinventer : un impératif publicitaire

Pour exister aujourd'hui, une marque doit savoir se démarquer. Au-délà du jeu de mots, excellent par ailleurs, il y a une réalité pratique à laquelle il n'est plus possible d'échapper. Dans la foule de produits et de marques qui préexistent sur un marché, il faut savoir se distinguer pour pouvoir émerger et s'imposer durablement. Les agences de communication ont mesuré l'importance de ce postulat, et ont créé en conséquence leur propre modèle de distinction. Je vous propose de faire le point sur ces différents modèles, afin d'y voir un peu plus clair. Le modèle de disruption Commençons par la disruption . Ce mot peut faire peur de prime abord. Il irait très bien dans la chanson des Inconnus Vice et Versa . Mais ce modèle est très simple en vérité. Il a été inventé par Jean-Marie Dru et ses équipes de l'agence BDDP en 1991. La disruption consiste à sortir des sentiers battus, à créer un nouveau paradigme en inventant une nouvelle vision. Autrement dit, il