Dans la nuit profonde de ce mois de décembre, intense, encore légèrement pluvieuse, je m'enfonce. Mon pull en laine, mon manteau et mon écharpe me permettent de résister aux bourrasques des boulevards. Une nouvelle fois, je rentre à pieds du travail. Comme tous ces autres qui - depuis quelques jours - partagent avec moi ces trottoirs détrempés, eux-mêmes emmitouflés pour échapper aux froides gifles de vent.
La nuit, du matin au soir
J'avais mis mon réveil tôt ce matin, pour aller au sport, et commencer ainsi la semaine dans une forme olympique. En ouvrant les yeux dans l'obscurité dense de ma chambre, j'ai d'abord hésité. Le bruit de la pluie sur les toits a alors redoublé. Les dieux de l'Olympe semblaient avoir un autre programme pour moi ce matin. J'ai donc bu mon café tranquillement.
C'est dans cette nuit d'hiver que l'on passe le plus clair de notre temps, en ce moment. Cela crée de nouvelles impressions et de nouvelles envies. Face à l'ombre, nous avons besoin de nous retrouver, de nous réchauffer, de nous réunir.
"Take me out tonight,
"Take me out tonight,
Where there's music and there's people
Who are young and alive".
Noël est d'ailleurs né de cette inclinaison naturelle, humaine, de résister à l'obscurité qui envahit tout en décembre. "Lorsque les jours deviennent plus courts que les nuits, arrivent les fêtes de la lumière. Fête des lanternes en Allemagne le 11 novembre, fête de la Sainte Lucie en Suède le 13 décembre, où les jeunes filles portent sur leurs cheveux une couronne de bougies" (source : Noël, une fête laïque). On connaît aussi la fête des Lumières à Lyon, en France, au début du mois de décembre. Le principe demeure le même : il s'agit de résister à la nuit.
"Dans les pays du Nord, on utilise un chandelier avec quatre bougies : on en allume une chaque dimanche avant Noël". À mesure que la nuit s'intensifie, une nouvelle lumière apparaît.
"Take me out tonight
"Take me out tonight
'Cause I want to see people and
I Want to see lights".
De nombreuses traditions, habituelles à cette période de l'année, nous viennent de ce besoin d'illuminer un peu nos soirées hivernales. "C'est pour mettre de la lumière dans la vie d'hiver qu'on allume aussi les bougies dans le sapin (aujourd'hui remplacées par les guirlandes électriques)". Et la bûche, que l'on mange maintenant, glacée (…), est [à l'origine] une énorme pièce de bois qu'on mettait dans la cheminée le soir du 24 décembre et qui brûlait la nuit entière, éclairant la pièce où tous se retrouvaient à la veillée, et qui brûlait les jours suivants, jusqu'au 6 janvier".
Lumière et chaleur humaine
Ainsi, ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si vous ressentez en ce moment l'envie de partager un moment avec quelqu'un, de retrouver des gens que vous aimez, de vous blottir dans les bras de l'être cher. Peut-être pas un hasard si vous voulez sortir, prendre un verre, discuter - non pas jusqu'à la nuit tombée, puisqu'elle est tombée depuis longtemps, mais, disons, jusqu'au bout de la nuit. Peut-être pas un hasard ce sentiment de magnétisme vers l'autre qui se renforce.
"There is a light that never goes out".
Les comédies romantiques qui foisonnent à cette période de l'année illustrent simplement cette aspiration universelle. En fin de compte, ce n'est peut-être que l'instinct - ce même instinct qui invitait les hommes il y a 200 000 ans déjà à se regrouper face à la nuit - qui nous amène à nous rassembler lorsque le froid et la nuit prennent plus de place dans nos vies.
Qu'importe la cause après tout ! L'essentiel, sans doute, est que cela nous permet de nous retrouver.
Source illustrations : Stranger nights.
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