Internet, à l'origine, c'était le lieu par excellence de la diversité : diversité des utilisateurs, des sources, des contenus. Le monde entier pouvait y trouver ce que le monde entier y partageait. C'était une chance inouïe, une révolution sans précédent : je pouvais me connecter à cet(te) inconnu(e), vivant à des milliers de kilomètres. Toutes les créations, toutes les cultures, tous les arts, étaient soudain accessibles, car en ligne.
À boire et à manger
Il y avait de tout, et c'était tant mieux. Bien entendu, c'est toujours en partie le cas. Je suis libre de faire des recherches spécifiques, autant qu'un universitaire peut se rendre à la librairie pour trouver des sources originales. Mais les routes de campagne que représentait le réseau Internet au début sont devenues des autoroutes de l'information, balisées, contrôlées.
Il devient difficile de sortir des sentiers battus. Google, Facebook, et la plupart des géants du web nous mâchent désormais le travail, pour nous servir la même bouillie collective. Je vois passer les mêmes liens dix, vingt, trente fois par jour. "Un homme se prend en photographie tous les jours pendant douze ans", mon dieu, comme c'est intéressant. Les mêmes vidéos recueillent des millions de vues - ce qui n'a désormais rien de surprenant.
Sur le site www.youtube.com/trendsmap je peux voir quels contenus vidéos sont les plus "vus" à cet instant sur Youtube. Une carte des États-Unis présentant - État par État - ce qui suscite l'attention des internautes américains.
Des Trending Topics aux contenus de masse
Le résultat est effrayant : tout le monde regarde la même chose, sur la Toile. La dernière fois que je m'étais connecté, c'était la vidéo du faux bébé qui effrayait les passants dans les rues de NYC ("devil baby"), en caméra caché. Cette fois, c'est Arnold Schwarzenegger qui est déguisé dans une salle de sport.
Le pire de la télé, en somme. Du "vidéo gag" 2.0. Alors que nous sommes "libres" de chercher ce que nous voulons sur Internet, voilà que nous redevenons les moutons des temps passés, pour consommer la même soupe froide que nous sert Google et, à travers lui, tous les annonceurs.
Algorithm and Blues
J'ai déjà écrit sur l'importance de choisir la route inexplorée, et sur les dangers de la recommandation publicitaire. Mais la tendance semble s'intensifier, ces dernières années. Les médias sociaux - qui ont dans un premier temps apporté un nouveau souffle, une nouvelle fraîcheur, et une façon de redécouvrir l'information (lire : pourquoi je préfère Twitter à Facebook) - commencent à suivre la même évolution, avec la propagation des contenus sponsorisés.
Facebook incite de plus en plus les marques à utiliser ses modules payants, pour "forcer" la visibilité des contenus qu'elles proposent (lire : "la baisse du reach Facebook en chiffres" sur le blog du modérateur) et adapte désormais les "Trending Topics" à sa propre sauce, ce qui n'est pas une bonne nouvelle.
Internet devient trop mainstream. Mais bien entendu, à part écrire un billet de blog, je ne peux rien y faire. Ah si, je peux aussi vous inviter à regarder cette vidéo, et vous inciter à rester vigilants. Car Internet, c'est aussi, après tout, ce que nous en faisons.
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