Après une rupture amoureuse, il est courant de s'entendre dire : "tu devrais prendre du temps pour toi, te recentrer sur celui que tu es vraiment". On n'a même plus besoin d'entendre ce conseil formulé dans la bouche d'un ami, il est déjà intégré dans notre logiciel intérieur. Comme si c'était là l'issue, l'alpha et l'omega de toute reconstruction personnelle.
Pleurant sans cesse ?
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà
De ta jeunesse ?"
Paul Verlaine
La renaissance passerait ainsi par une re-connaissance. Apprendre à se connaître soi-même, à se re-connaître. Ce n'est pas si simple d'appliquer ces principes fondamentaux. Ces dernières années, j'ai pris le temps, je crois, de mieux savoir qui j'étais, ce que j'aimais, ce que je voulais, quels étaient mes essentiels. De savoir aussi quelles étaient mes failles, mes vulnérabilités. J'ai écouté ce que l'on disait de moi. Je me suis remis en question.
J'ai aussi investi - du temps, mais pas seulement - sur moi. Je me suis mis au sport, j'ai pris des leçons d'échecs, des leçons de danse. J'ai médité. J'ai lu. J'ai réfléchi. Dans quelques semaines - étape ultime de ce processus - je me ferai sans doute une retraite solitaire, quelque part vers le sud.
Je suis tombé sur moi
Je ne sais pas où tout cela me mènera vraiment. J'ai l'impression de savoir qui je suis, depuis quelques temps déjà. D'être déjà tombé sur moi au détour d'un chemin. "Sur le Pont Neuf j'ai rencontré / L'ancienne image de moi-même / Qui n'avait d'yeux que pour pleurer / De bouche que pour le blasphème". Pourtant, je continue de m'interroger. Jusqu'à quel point peut-on partir à la rencontre de soi ? Surtout, dans quelle mesure cela nous guérit-il vraiment ? "Sur le Pont Neuf j'ai rencontré / Mon double ignorant et crédule / Et je suis longtemps demeuré / Dans ma propre ombre qui recule".
J'en discutais encore il y a quelques jours avec une amie, après avoir évoqué ensemble L'Anomalie : "aimerais-tu te rencontrer ? Non pas un frère jumeau, mais toi-même ? Un double parfait". Ce n'est pas une question simple. Je me demande ce que je penserais de moi, si d'aventure je prenais un café avec mon double.
"Je me retrouve dehors avec mes lanternes, à la recherche de moi-même". Emily Dickinson
Est-ce que j'arriverais à avoir une conversation intéressante, avec moi-même ? Je serais sans doute tenté de me coacher. De me motiver à me dépasser, à exploiter au maximum mon potentiel. Ah, et je suis sûr que j'aimerais jouer une partie d'échecs avec ce joueur de mon exact niveau.
Peut-être serait-il possible de se surprendre soi-même. De s'amener à découvrir de nouveaux horizons. Peut-être qu'une telle rencontre serait déterminante, et - ce qui serait un comble - nous changerait tous les deux, pour toujours.
Ce blog m'aide probablement à partir à ma rencontre, depuis plus de dix ans maintenant. Je peux me relire, à l'occasion, pour me rappeler ce que je pensais, ou ce que je ressentais, à telle ou telle époque. Il me force aussi à chercher les mots pour exprimer ce que je veux dire, ce que je veux raconter. Se rencontrer, donc, une bonne fois, pour pouvoir se raconter.
Illustrations © Vincent Versluis
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