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Aux confins du confinement

C'est marrant, quand on y pense. On parle de confinement, mais on pourrait tout aussi bien parler d'enfermement. On accepte le mot, on accepte le concept, alors-même qu'il nous semblait complètement étranger il y a à peine un an. C'est devenu une norme, comme le couvre-feu, comme l'état d'urgence, comme la crise, comme le chômage. 

On nous parle d'un confinement "très serré" - ce qui nous fait un peu peur - puis d'un confinement "hybride" - ce qui ne nous rassure pas tout à fait. Comme on nous parlerait d'une baguette "pas trop cuite" ou d'un steak "saignant". L'adjectif vient entériner le nom dans le langage courant.

"La rêverie confine au sommeil et s'en préoccupe comme de sa frontière". Victor Hugo

Le confinement, étymologiquement, ça vient de "confins". Ça signifie qu'il y a des bordures, des frontières. On demeure dans un espace limité ; il nous est interdit de franchir une ligne. Les mots de Michel Foucault sur les contre-espaces me reviennent en mémoire : "On ne vit pas", écrivait-il, "dans un espace neutre et blanc ; on ne vit pas, on ne meurt pas, on n’aime pas dans le rectangle d’une feuille de papier". 

Avec le confinement, si, justement. On vit précisément dans le rectangle d'une feuille de papier. Il n'y a plus cette diversité de lieux, plus ces restaurants, ces cafés, ces cinémas. Plus d'altérités, de recoins, de lieux de passage… La scène de théâtre est épurée. On se retrouve en huis clos. Unité de lieu imposée à tout le monde. 

Le même décor, les mêmes murs, les mêmes meubles. Une nouvelle fois, les mêmes contraintes. Les mêmes acteurs dans le même environnement. Si ce troisième confinement qui arrive semble plus dur à vivre pour tout le monde, c'est qu'on a perdu la dimension de découverte, de nouveauté, voire de sidération. Le confinement nous est désormais familier ; aussi est-il plus douloureux.

Alors il faut tenir, prendre son mal en patience, se dire qu'on finira bien par sortir de cette sale période. Se dire aussi qu'on aura sans doute d'autant plus envie de profiter, quand ce sera de nouveau permis : de sortir, de dîner, de danser, de faire la fête, de voyager ou bon nous semble. Vivement ce monde d'après, qui, de ce point de vue là, nous ira très bien s'il ressemble au monde d'avant. Vivement ce moment où nous arriverons aux confins du confinement.

© illustration.

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