Je m'en souviens très bien, de mes vingt ans. Je m'interrogeais un soir sur trois sur la suite, sur mon avenir, sur mes aspirations profondes. Je ressentais pleinement cette incertitude quant à mon devenir. Ce n'était pas de l'inquiétude, à proprement parler, mais simplement quelque chose qui revenait, encore et encore, sans que je trouve véritablement de réponses.
Fallait-il poursuivre les études supérieures ? Tenter de nouveaux concours ? Assurer - non pas mes arrières - mais ce qui allait advenir ensuite ? Ou suivre simplement mes envies, mes passions, mes rêves immédiats ? Partir, voyager, inventer, dessiner, rencontrer de nouvelles personnes, en faisant confiance à mon destin. Aimer.
Combien de soir, dans la nuit de ma fenêtre, me suis-je posé ces questions ? Sans doute pour retarder le moment où j'allais m'y mettre (ou m'y remettre) pour de bon, à cette préparation de concours, puis à ce mémoire, puis à ce Grand Oral. Facebook existait à peine et j'avais créé un groupe "C'est bien aussi de travailler dans l'urgence", hommage à la procrastination, qui avait rassemblé plusieurs centaines de personnes assez rapidement.
Comme quoi. Je n'étais pas seul, avec ces questions, et cette flemme qui m'étreignait.
J'écoute aujourd'hui le dernier album d'Orelsan, et ses Notes pour trop tard. Comme lui, je suis un trentenaire qui se souvient de cette période-là. Comme lui, j'aimerais pouvoir m'écrire, pour me rassurer. Pour donner des conseils à ce jeune homme là, au seuil de sa vie active.
"T'as juste besoin d'une passion,
Donc écoute bien les conseillers d'orientation et fais l'opposé de ce qu'ils diront.
En gros, tous les trucs où les gens disent : "Tu perds ton temps",
Faut que tu te mettes à fond dedans et que tu t'accroches longtemps.
Si tu veux faire des films, t'as juste besoin d'un truc qui filme ;
Dire : "J'ai pas d'matos ou pas d'contact", c'est un truc de victime.
On te dira d'être premier, jamais d'être heureux.
Premier, c'est pour ceux qui ont besoin d'une note, qui n'ont pas confiance en eux.
T'es au moment de ta vie où tu peux devenir ce que tu veux
Le même moment où c'est le plus dur de savoir ce que tu veux".
Oh oui, je m'en souviens bien, de cette période là. Pourtant, avec un peu de recul, et même si cette quête n'est en vérité sans doute jamais terminée, je suis convaincu aujourd'hui qu'il n'y a pas de choix cornéliens à faire, pas de décision terrible qui annihilent un destin, ou qui contrecarrent des rêves. Sans compter qu'on a souvent des secondes chances, des nouvelles opportunités, des nouveaux projets à construire. Tout ne se décide jamais en un instant.
Ces questions, que je me posais, étaient essentielles parce qu'elles rendaient cette prime-jeunesse plus belle encore. Belle de l'infini des possibles qui semblait se profiler devant elle. Belle des battements de mon cœur qu'elles faisaient croître, belle de ces moments qu'elles rendaient fragiles et puissants. Belle de la mélancolie de certains dimanches soirs. Belle de ce souvenir, qu'elles m'ont laissé aujourd'hui.
illustrations < Alone Together.
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