On devrait pouvoir parler des sujets profonds, des sujets graves, sans gravité justement. J'ai en mémoire un billet de blog que j'avais écrit il y a quelques années, et qui avait inquiété ma mère. Elle me l'avait dit. Il n'y avait pourtant pas de quoi se faire du mouron, mais je comprends qu'on puisse, avec une lecture non innocente, se poser parfois des questions sur la façon dont les choses sont dites, dont elles sont ressenties.
Solicitude
En l'occurrence, cette solitude-là est très éloignée d'un désespoir morbide, d'un sentiment d'isolement que d'autres personnes connaissent, malheureusement. "Plus de deux millions de jeunes souffrent de solitude en France", ai-je lu dans la presse. Pour ma part, je n'en souffre pas, ou pas trop. Quand elle survient, dans mon dos, j'apprends à l'apprivoiser, à la comprendre, à la sentir. Je me fais à sa présence. Je me fais une raison. J'ai la liberté de la chasser, en me divertissant, à la mode pascalienne. Ou au contraire de m'y confronter, de la regarder dans le blanc des yeux.
En un sens, écrire ici me permet de l'éloigner quelque peu. Ses contours sont plus flous. Elle est à deux doigts de disparaître complètement. J'aime l'imaginer de différentes façons, ce personnage un peu mystique, cet alinoë mystérieux. Depuis le temps, j'ai comme une impression de déjà-vu. J'ai appris à la connaître, cette solitude. Comme la vieille dame dans cet épisode de Bref.
Beaucoup d'hommes et de femmes la redoutent, la fuient, s'occupent du mieux qu'ils peuvent pour ne surtout pas s'y confronter. C'est en grande partie la raison pour laquelle nous sommes si souvent amenés, les uns, les autres, à regarder l'écran de notre téléphone. Pourvu qu'il y ait un message, un cœur, un like, un pouce. Pourvu que j'y trouve un mail, un DM, un reply. Quand il n'y a rien, je scroll, je guette, je zappe, je parcours, je navigue sur la Toile, à la recherche d'une bouée.
Solide et solitaire
Pourtant, c'est essentiel de savoir prendre le temps : s'ennuyer véritablement, expérimenter pleinement ce vide, ce silence, cette pause. Ce rien. Cette absence. L'espace de cet infini. Lorsqu'on plonge dans cette atmosphère-là, la seule condition est de savoir en sortir, de savoir que l'on est suffisamment aimé, accompagné, pour ne pas s'y morfondre trop longtemps non plus. Savoir qu'on a un espace alternatif, fait de fêtes, de sourires, d'amour, de désir, d'amitié.
Savoir qu'on peut encore rouler des hanches,
Se saouler de printemps
S'en payer, des nuits blanches,
À cœur qui bat, à cœur battant.
En parlant de solitude. Moi qui regarde ce miroir tous les matins et qui vois cette même figure empathique que je me suis forgé à supporter. Ce mec en face de moi pense sans nul doute qu'il est le seul sur terre à être comme il est, non parce qu'il se sent unique mais parce qu'il sait qu'il ne pourra jamais partager plus profondément qu'avec soi-même et qu'au fond il sait que le vide omniprésent qui réveille le silence mortuaire ne sera et sera toujours notre seul et véritable vue sur terre.
RépondreSupprimerJe proclame l'obsolescence de cette pensé momentanée et te souhaite à toi créateur de ces pages, le rédempteur de ma conscience présente, une belle vie.