Le week-end approche, vous vous sentez fatigué, fourbu, crevé, épuisé. Vous voulez vous vautrer sur un lit et vous y blottir ensuite, pour retrouver des forces face au froid, à l'hiver qui approche, aux journées de plus en plus courtes, à l'obscurité omniprésente. Vous êtes exténué, harassé, abattu. La semaine fut longue et accablante.
Mais savez-vous seulement d'où vient le mot "fatigue" ? Je suis sûr que non.
Comme je suis sympa, je vous le dis : ça vient du latin fatigo, lui-même inspiré de fastico "se fendre, s'ouvrir". D'ailleurs, "fessus", en latin, signifie également "fatigué, las, accablé".
Wikipedia nous apprend que "la fatigue physique normale est réversible avec la mise au repos, qui restaure un niveau normal de performances", et que "la fatigue nerveuse se manifeste par une baisse de l'attention et de la concentration". En gros, Wikipedia ne nous apprend pas grand chose.
"Quand on ne travaillera plus les lendemains des jours de repos, la fatigue sera vaincue". Alphonse Allais
C'est un sujet assez médiatique, aujourd'hui, qui mérite pourtant qu'on s'y intéresse : quand on parle de burn out, par exemple, on parle bien de fatigue, d'épuisement. Ce n'est pas un sujet complètement anodin. Et même sans aller jusqu'aux cas les plus extrêmes, la fatigue est l'une des sensations les plus partagées, par tout le monde, de façon récurrente. C'est très universel, finalement, comme sentiment.
Je me souviens, pour ma part, d'une chanson que j'écoutais souvent, quand j'étais enfant.
Il y a un phénomène que j'ai toujours trouvé assez étrange : plus on dort, plus on se repose le week-end, et plus on se sent fatigué, parfois. À tel point que je ne sais pas si je me suis suis senti - récemment - parfaitement reposé. Je veux dire complètement. L'important est sans doute de ressentir "une bonne fatigue". Après avoir fait du sport, par exemple.
"Les fonctionnaires font les meilleurs maris : quand ils rentrent le soir à la maison, ils ne sont pas fatigués et ont déjà lu le journal". Clemenceau
Mais, surtout, la fatigue est relative. En lisant ces vers d'Edmond Rostand, on peut s'en rendre compte, assez facilement. Un ancien grognard de l'armée napoléonienne, s'exprimant sur une fatigue d'un autre ordre que celle que nous éprouvons tous, de temps en temps :
"Et nous, les petits, les obscurs, les sans-grades ;
Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades,
Sans espoir de duchés ni de dotations ;
Nous qui marchions toujours et jamais n'avancions ;
Trop simples et trop gueux pour que l'espoir nous berne
De ce fameux bâton qu'on a dans sa giberne ;
Nous qui par tous les temps n'avons cessé d'aller,
Suant sans avoir peur, grelottant sans trembler,
Ne nous soutenant plus qu'à force de trompette,
De fièvre, et de chansons qu'en marchant on répète ;
Nous, sur lesquels pendant dix-sept ans, songez-y !
Sac, sabre, tourne-vis, pierres à feu, fusil,
- Ne parlons pas du poids toujours absent des vivres ! -
Ont fait le doux total de cinquante-huit livres ;
Nous qui coiffés d'oursons sous les ciels tropicaux,
Sous les neiges n'avions même plus de shakos ;
Qui d'Espagne en Autriche exécutions des trottes ;
Nous qui pour arracher ainsi que des carottes
Nos jambes à la boue énorme des chemins,
Devions les empoigner quelque fois à deux mains ;
Nous qui pour notre toux n'ayant pas de jujube,
Prenions des bains de pied d'un jour dans le Danube ;
Nous qui n'avions le temps quand un bel officier
Arrivait, au galop de chasse, nous crier :
"L'ennemi nous attaque, il faut qu'on le repousse !"
Que de manger un blanc de corbeau sur le pouce,
Ou vivement, avec un peu de neige, encor,
De nous faire un sorbet au sang de cheval mort ;
Nous qui, la nuit, n'avions pas peur des balles,
Mais de nous réveiller, le matin, cannibales ;
Nous qui marchant et nous battant à jeun
Ne cessions de marcher que pour nous battre,
- et de nous battre un contre quatre,
Que pour marcher -, et de marcher que pour nous battre,
Marchant et nous battant, maigres, nu, noirs et gais…
Nous, nous ne l'étions pas, peut-être, fatigués ?"
Certes, ceux-là, seuls, sans doute, avaient le droit de parler de fatigue, au sens propre. La nôtre est bénigne, passagère. Nous pouvons boire du café et profiter pleinement du week-end ; en songeant, éventuellement, dans notre lit, à ces soldats éreintés qui affrontaient le froid, la faim, la peur et la guerre, parce que l'époque qui les avait vu naître en avait décidé ainsi.
Certes, ceux-là, seuls, sans doute, avaient le droit de parler de fatigue, au sens propre. La nôtre est bénigne, passagère. Nous pouvons boire du café et profiter pleinement du week-end ; en songeant, éventuellement, dans notre lit, à ces soldats éreintés qui affrontaient le froid, la faim, la peur et la guerre, parce que l'époque qui les avait vu naître en avait décidé ainsi.
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