Je ne sais pas si vous avez déjà tenté de dicter un long texte à votre ordinateur ou à votre téléphone, mais si vous l'avez fait récemment vous avez sans doute constaté, comme moi, les progrès technologiques considérables qui ont été accomplis dans ce domaine.
Avec l'arrivée imminente des objets connectés (lunettes, montres, mais aussi bijoux, micro-ondes ou aspirateur…) commander à voix haute à son environnement certaines tâches deviendra rapidement une nécessité. Le vocal, en complément du tactile, en quelque sorte. “Siri, peux-tu lancer la machine à laver en mode éco, à partir de 19h30, merci”.
I'm afraid I can't do that
Ce qui est intéressant, c'est de mesurer à quel point la science fiction a déjà fait le tour de toutes les dérives cauchemardesques de n'importe quel système d'intelligence artificielle, avec des similitudes criantes par rapport aux outils que l'on possède aujourd'hui. Entre “Hal” et “Siri”, il n'y a pas tant de différences, quand on y réfléchit bien.
L'ambition, malgré tout, est incontestablement louable. Permettre à un ordinateur (quelle que soit sa forme) de comprendre une injonction humaine, ou lui donner la capacité de répondre à une question orale, ouvre de nombreuses portes.
Le jour où Aristote me répondra
Notamment dans le domaine de l'éducation, qui était cher à Apple, dès le début.
Je suis retombé sur une vidéo datant de 1985, où Steve Jobs explique qu'il considère l'ordinateur comme un nouveau média (ce qui est déjà précurseur, comme idée), et surtout qu'il espère qu'un jour, ces machines apporteront de vraies réponses aux humains.
Plus précisément, il parle d'Aristote, en expliquant qu'il peut lire et relire l'œuvre du philosophe, mais qu'il est frustré de ne pouvoir lui poser directement une question (en tout cas, en espérant une réponse). La voie est tracée : l'informatique pourrait permettre un jour de poser une question à un philosophe de l'Antiquité et d'obtenir une réponse.
(le passage sur Aristote, à partir de 4:53)
C'est une forme de révolution, dans l'apprentissage. L'humanité est faite de plus de morts que de vivants. Un jour, peut-être, les systèmes d'intelligence artificielle comprendront réellement l'œuvre de tous ces génies des temps passés, et seront capables de les assimiler suffisamment pour formuler certaines réponses aux questions des néophytes. “Siri, peux-tu m'expliquer en quoi consiste la phénoménologie de l'esprit, merci”.
Faire revivre les morts ?
On peut aller plus loin, dans l'imagination.
Un épisode de la saison 2 de la série britannique Black Mirror s'approprie cette question : une femme perd son mari dans un accident. Mais elle souscrit à un système qui, à partir d'une analyse complète de tous les tweets et messages publiés par son époux défunt au cours de son existence, reconstitue la personnalité et la voix de ce dernier. Elle peut, dès lors, discuter avec lui, bien qu'il soit mort. L'illusion est totale.
Un peu comme si Siri avait la voix d'un de vos proches, mais aussi son humour, sa culture générale, son intelligence, ses tics de langage, etc.
Tout ça pour dire que certaines évolutions ne sont pas nécessairement souhaitables non plus. Ou qu'elles méritent, comme tout progrès technologique finalement, certaines limites bien définies.
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