Accéder au contenu principal

Se contenter d'écouter

Quelquefois, il est agréable de ne plus rien dire, sur les médias sociaux. Se contenter d'écouter. Observer ce que partagent tous ces autres. Lire tous les tweets qui défilent - ce flux incessant de paroles éphémères -, parcourir des yeux les statuts, liens et images postés sur Facebook. 

Flux et reflux

Comme on s'arrête sur un Pont, un soir d'automne, pour regarder la foule d'individus qui le traverse, en rentrant du travail. “Tout un peuple invisible d'aveugles éternellement entraînés à l'objet immédiat de leur vie”, comme l'écrit si bien Paul Valéry. Non pas des êtres singuliers, “ayant chacun son histoire, ses trésors et ses tares, un monologue et un destin ; mais (…) un flux de grains tous identiques, identiquement aspirés par je-ne-sais quel vide, et dont j'entendais le courant sourd et précipité passer monotonement le pont”. 


Pour Valéry, c'est un moment de grande solitude. Et c'est vrai qu'on peut se sentir bien seul, sur les médias sociaux, à voir tous ces gens parler, et parler encore. À voir tous ces échanges, toutes ces plaisanteries, toute cette communication. 

La fourmilière humaine

Bien sûr, auparavant, on savait bien que d'autres, au même moment, vivaient quelque part : autrement dit, partageaient, discutaient, aimaient, copulaient, riaient, créaient. Le solitaire le pressentait, nécessairement. Seulement, aujourd'hui, on peut le toucher du doigt. On peut écouter ce qui se dit. Le wall facebookien a des oreilles.


Pour ce qui me concerne directement, ce n'est pas un sentiment de solitude qui m'envahit quand je scrute la toile. J'aime voir l'humanité vivre, en elle-même, pour elle-même. Comme un enfant qui regarde une fourmilière, des heures durant, sans intervenir. 

Cela me fait penser à ce dicton chinois : “Assis, paisiblement, sans rien faire… l'herbe croît d'elle-même”.

Le monde vit, sans moi. Mais, encore vivant, je peux le regarder vivre. Prendre la parole, le cas échéant.
Ou me contenter d'écouter.

(© photo : Adam Magyar)

Commentaires

  1. Merci de nous rappeler cette possibilité du zen.
    Pour ma part, j'ai aussi envie d'etre dans l'action, dans la construction. Je ne sais pas a quel plan je participe, mais j'essaie d'etre centré, juste...
    Laurent

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les...

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je pr...

Savez-vous ce qu'est un kakemphaton ?

C ultivons-nous un peu, si vous le voulez bien. Nous passons nos journées à nous stalker  les uns les autres, à regarder des photos, à suivre l'actualité, à tel point que nous finissons par oublier d'apprendre. C'est important, pourtant, d'apprendre . Savez-vous, par exemple, ce qu'est un kakemphaton ? Je présume que non, en m'excusant par avance auprès de mes lecteurs les plus érudits, qui pouffent et s'exclament en eux-mêmes : "bien sûr, qui donc ignore ce qu'un kakemphaton est ?" avant de délaisser ce blog pour se replonger dans la Critique de la Raison Pratique.  Maladresse littéraire Le kakemphaton est une figure de style. Ce nom vient du grec " kakos " ("mauvais, laid") et " emphaton " ("parole"). Elle désigne "la rencontre de sons d'où résulte - involontairement - un énoncé ridicule, déplaisant, ou - volontairement - tendancieux".  En gros, c'est lorsque de g...