Accéder au contenu principal

Le Personal Branding Trash

Il est, après tout, très simple de faire parler de soi, de nos jours. La célébrité est à la portée du premier psychopathe venu. 
  • Vous pouvez poignarder un soldat dans le sud de Londres et lui découper la tête avec une machette, par exemple, puis demander aux passants de vous filmer et de vous mettre sur Youtube, en leur expliquant calmement les raisons de votre acte, comme si tout était normal, et que vous n'aviez rien à vous reprocher.
  • Vous pouvez vous tirer une balle dans la bouche, à l'intérieur de Notre-Dame, également. On parlera de vous quelques jours, on donnera votre nom, alors que vous n'étiez plus connu par personne, à part quelques personnalités d'extrême-droite. Votre acte aura beau être parfaitement immoral et vulgaire, certains vous considéreront avec admiration, qui sait ?
  • Vous pouvez aussi vous faire sauter la cervelle dans une cour d'école. Vous ferez l'ouverture du 20h. Le lendemain matin, Le Parisien publiera en “une” votre geste, avec un dossier complet racontant votre histoire, et présentant une infographie pour informer le lecteur dans le détail. Le président de la République évoquera votre mort, honneur posthume. Le ministre de l'intérieur sera interrogé sur la façon d'éviter que cela se reproduise, à l'avenir - en dépit du caractère imprévisible de votre acte - et il sera contraint d'expliquer aux journalistes qu'il est difficile de mettre des portiques de sécurité à l'entrée de toutes les écoles de France.
  • Vous pouvez aussi manger votre partenaire sexuel canadien, et fuir en Europe. Si votre fugue dure suffisamment longtemps, tout le monde aura peur de se faire manger par vous, et les médias accorderont toute leur attention sur votre personne, votre parcours, votre profil Facebook, vos vidéos Youtube, etc. Des blogueurs publieront la vidéo de votre déjeuner cannibale, pour gagner du trafic [lire : “l'éthique s'efface toujours derrière Google Analytics”].
  • Si vous n'avez pas faim, vous pouvez fabriquer une bombe artisanale avec une cocotte minute et tuer des gens qui ne vous ont rien demandé, et qui couraient tranquillement un jour de beau temps, pour un marathon bostonien. Tout le monde parlera de vous, on vous filmera en Night Mode depuis un hélicoptère, on lira vos tweets, et le FBI montrera les photos de votre cocotte minute à la télévision.

Si vous n'êtes pas bricoleur, ou que vous n'avez pas de cocotte minute, ou que vous n'aimez pas la chair humaine, et que vous n'êtes pas suicidaire, ni particulièrement exhibitionniste, vous pouvez aussi tenter de devenir quelqu'un de bien. Non, je ne parle pas d'entrer en religion, et de faire du porte-à-porte pour évangéliser vos bien chers frères. Simplement, vous mettre à écrire, par exemple, ou dessiner, ou prendre des photos. 




Les journaux ne parleront pas de vous avant un moment, et alors ? La célébrité, c'est so XXe siècle

Outre les dérangés cités ci-dessus, la gloire appartient aujourd'hui à Lady Gaga, Justin Bieber et un coréen quarantenaire qui fait la danse du cheval. Alors oubliez la célébrité, et devenez celui ou celle que vous êtes vraiment, en vous efforçant de faire de grandes et belles choses. 

Ou sinon - c'est aussi une option -, vivez tranquillement une petite vie discrète, tout à fait heureuse.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Derrière les mots et les images des médias sociaux

J amais il n'y avait eu de si longues périodes de silence sur mon blog. Aucun post depuis février. Je crois que j'avais besoin de prendre un peu de recul. De m'interroger aussi sur ma présence en ligne. Allez savoir si c'est l'âge - le mien, d'ailleurs, ou celui d'Internet - ou autre chose encore : mais on finit par se poser des questions sur ces mots qu'on donne à lire. C'est sans doute à force de consulter les plateformes sociales. Toutes ces images, ces vidéos, ces sourires affichés, qu'on voit quotidiennement. En sachant aussi ce qu'ils cachent. C'est notre époque : nous possédons des outils de plus en plus performants pour communiquer, mais ce que nous communiquons est souvent loin de ce qui nous anime véritablement. Souvent loin de ce que nous sommes. En résulte sans doute parfois un certain mal-être, qui est compensé par ces mêmes outils numériques nous offrant des solutions de méditation ou des cures de sommeil. C'est la montr

Puisqu'il faut vivre avec

J e ne sais même pas par où il faudrait commencer. Ce n'est finalement pas simple d'écrire face à une situation inédite, imprévisible, surprenante, historique. J'ai plutôt l'habitude de décrire ici de petits aspects du quotidien, de partager des réflexions personnelles, sans grande prétention. Soudain, le monde s'écroule. Tenir un blog en pleine crise sanitaire mondiale apparaît quelque peu illusoire.  J'écrivais pourtant, sur ce même blog, il y a plusieurs années maintenant, ce sentiment de vivre depuis ma naissance le temps des crises perpétuelles . J'entendais parler depuis toujours - du moins était-ce mon sentiment - de crise. Crise de l'éducation nationale, crise du travail, crise identitaire, crise de l'hôpital, crise écologique bien sûr, crise migratoire, crise économique, j'en passe et des meilleurs. La crise était devenue la norme. Et c'est de nouveau le cas, il me semble. Nous vivons l'époque d'une crise continue.

Pourquoi j'aime la Poésie

J e ne saurais expliquer comment m'est venue l'envie d'apprendre par cœur des poèmes, quand j'avais une dizaine d'années. Bien sûr, il y avait des livres chez moi. Des bibliothèques qui accordaient une place non négligeable à la poésie. Bien sûr, j'aimais ces recueils, qui s'ouvraient d'eux-mêmes aux pages les plus précieuses, offrant ces mots qui disaient tout  en disant  peu . " Il faut peu de mots pour dire l'essentiel ". Bien sûr, j'avais la chance d'avoir, à portée de la main, Aragon, Baudelaire, Éluard, Reverdy ou Rimbaud. Et puis, il y avait mon arrière-grand-père, cet héritage culturel transmis dès le plus jeune âge. Ce Victor Segalen dont je pouvais parcourir les ouvrages originaux. Pour sentir ce papier proche d'un papyrus, soigneusement plié entre deux plaques de bois fines que tenait jointes un ruban. Ça aide, d'avoir ainsi dès l'enfance une admiration pour l'écriture. Et une raison supplémentaire