Accéder au contenu principal

À celui-là

 
À celui-là qui parvient jusqu'ici malgré les détours et les faux pas ; 
au compagnon qui me livre ses yeux, - que livrer en échange de ce compagnonnage ?
Non pas le dévouement : le Prince est là : je suis tout entier pour le Prince. La servitude glorieuse pèse sur chacun de mes gestes comme le sceau sur l'acte impérial et le tribut.
Non pas ma tendresse et de faibles émois : sachez qu'elle les garde et boit jalousement toutes les fraîches gouttes écloses de mon âme.
Non pas enfin l'ardeur d'une mort filiale : cela ne m'appartient pas car le père de mes jours est vivant. 
 
À celui qui me dévisage et m'observe amicalement ; à celui comme une caverne et qui retentit mon aboi,
Je propose ma vie singulière : seule ma vie est à moi. - Qu'il vienne plus avant.
Qu'il écoute plus profondément : 
Là même où ni père ni amante ni le Prince lui-même ne pourront accéder jamais.
Victor Segalen, Stèles

Commentaires

  1. Arrivé sur votre page par hasard, ou par ricochet, j'ai découvert deux ou trois choses qui méritent le détour — et donc le retour. Je reviendrai, quand j'aurai un petit moment, pousser plus avant mon exploration. En attendant, merci pour ce très beau poème de Segalen qui m'amène à vous à poser cette question (sans doute maintes fois posée) : avez-vous un lien de parenté avec l'illustre poète?

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ce commentaire que je découvre à l'instant. :) Victor Segalen est mon arrière-grand-père.

    RépondreSupprimer
  3. … et revenez quand vous voulez, vous êtes ici chez vous !

    RépondreSupprimer
  4. Merci pour votre réponse, que j'avais obtenue entre-temps sur une autre de vos pages. Comme on dit: bon sang ne saurait mentir.

    Je eu l'occasion, dans les années 80, de voir et de feuilleter l'exemplaire de l'édition originale de Stèles conservé à la BNF, rue Mazarine (précision inutile, l'autre BNF n'existait pas encore). J'envisageais alors d'en réaliser une édition d'art accompagnée d'estampes ou d'estampages, et c'est à ce titre que j'avais obtenu le droit de me retrouver seul à seul pendant une heure face à cet ouvrage exceptionnel.

    Bien sûr on peut lire ces Stèles au format de poche, ou même dans l'édition richement commentée par Henry Bouillier, mais rien ne saurait remplacer l'émotion que procure l'édition originale, conçue par Victor Segalen jusque dans ses moindres détails typographiques et dont il a lui-même supervisé l'exécution.

    Par la suite, l'étude du chinois et un long séjour en Chine (au milieu des années 80) m'ont détourné de ce projet — dont il me reste au moins l'un de mes plus beaux souvenirs artistiques.

    RépondreSupprimer
  5. Je connais cette édition et en effet, cela donne une profondeur supplémentaire aux mots.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je propose Samdim

Tu es mon amour depuis tant d'années

T u es mon amour depuis tant d'années, Mon vertige devant tant d'attente, Que rien ne peut vieillir, froidir ; Même ce qui attendait notre mort, Ou lentement sut nous combattre, Même ce qui nous est étranger, Et mes éclipses et mes retours. Fermée comme un volet de buis, Une extrême chance compacte Est notre chaîne de montagnes, Notre comprimante splendeur. Je dis chance, ô ma martelée ; Chacun de nous peut recevoir La part de mystère de l'autre Sans en répandre le secret ; Et la douleur qui vient d'ailleurs Trouve enfin sa séparation Dans la chair de notre unité, Trouve enfin sa route solaire Au centre de notre nuée Qu'elle déchire et recommence. Je dis chance comme je le sens. Tu as élevé le sommet Que devra franchir mon attente Quand demain disparaîtra. René Char