Accéder au contenu principal

Ce que nous sommes, ce que nous serons

Dans les années 90, déjà, c'était assez génial de pouvoir se plonger dans les archives vidéo : revoir le débat Mitterrand vs. Giscard, par exemple, ou bien un vieux JT d'Antenne 2, ou encore un clip de Gainsbourg. 

Le passé retrouvé

C'est en soi un progrès de pouvoir prendre connaissance aisément de contenus passés. Relire des romans, des pièces de théâtre, des correspondances, parcourir des arbres généalogiques, feuilleter un album photos, revoir des films oubliés.


Prendre conscience que d'autres ont vécu. C'est une sensation que je retrouve à chaque fois, semblable au vertige. D'autres que moi, avant, ont déjà vécu tout cela

D'autres, avant moi

Il faut relire Aragon : “Moi, j'ai tout donné, que vous sachiez mieux la route qu'il faut prendre. Voilà que vous faites la moue aux cieux, et vous couvrez de cendres. Moi, j'ai tout donné, mes illusions, et ma vie, et mes hontes, pour vous épargner la dérision de n'être au bout du compte que ce qu'à la fin nous aurons été à chérir notre mal. Le papier jauni des lettres jetées au grenier dans la malle”.


C'est un fait : d'autres, avant moi, ont pensé, ont écrit, ont parlé.
D'autres, avant moi, ont construit, ont élaboré, ont conçu.
D'autres, avant moi, ont aimé, ont espéré, ont souffert, ont voulu, ont réussi, ont échoué.
D'autres, avant moi, se sont allongés dans l'herbe, au petit matin. D'autres, avant moi, ont longé la Seine, en observant ses courants, ont franchi ses ponts. D'autres, avant moi, ont cherché à comprendre les mystères de la vie, se sont demandé si Dieu existait, ont scruté les étoiles dans la nuit. D'autres ont eu faim, ont désiré, ont été momentanément heureux, ont regretté, se sont émerveillés…


La chance de ceux qui viennent

Et d'autres viendront, après moi, aussi. L'avantage, qu'ils auront, eux sur moi, c'est qu'il y aura encore plus d'archives, encore plus de traces laissées, encore plus de correspondances. Désormais, le terme-même d'archives est à reconsidérer.

Aujourd'hui, et de plus en plus, les données sont analysées en temps réel, mises en scène, présentées, digérées. Des infographies, des vidéos, des courbes, des verbatim, sont offerts au regard. Les débats présidentiels sont non seulement disponibles en ligne, mais des vidéos de ces débats sont aussi montées, coupées, parodiées, comparées.

Tout notre présent est en quelque sorte archivé.


Et n'importe qui peut, comme moi, ouvrir un blog gratuitement, pour raconter des choses.

Ô lecteurs à venir

…Pour être lu, peut-être, un jour, par un jeune homme, né en 2372. Comme j'ai lu, à l'instant (en 2012 donc), ces vers de Charles Cros (né en 1842) :

Or, je suis vivant. Le vent qui vient m'envoie
Une odeur d'aubépine en fleur et de lilas,
Le bruit de mes baisers couvre le bruit des glas.

Ô lecteurs à venir, qui vivez dans la joie
Des seize ans, des lilas et des premiers baisers,
Vos amours font jouir mes os décomposés.”


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Derrière les mots et les images des médias sociaux

J amais il n'y avait eu de si longues périodes de silence sur mon blog. Aucun post depuis février. Je crois que j'avais besoin de prendre un peu de recul. De m'interroger aussi sur ma présence en ligne. Allez savoir si c'est l'âge - le mien, d'ailleurs, ou celui d'Internet - ou autre chose encore : mais on finit par se poser des questions sur ces mots qu'on donne à lire. C'est sans doute à force de consulter les plateformes sociales. Toutes ces images, ces vidéos, ces sourires affichés, qu'on voit quotidiennement. En sachant aussi ce qu'ils cachent. C'est notre époque : nous possédons des outils de plus en plus performants pour communiquer, mais ce que nous communiquons est souvent loin de ce qui nous anime véritablement. Souvent loin de ce que nous sommes. En résulte sans doute parfois un certain mal-être, qui est compensé par ces mêmes outils numériques nous offrant des solutions de méditation ou des cures de sommeil. C'est la montr

Puisqu'il faut vivre avec

J e ne sais même pas par où il faudrait commencer. Ce n'est finalement pas simple d'écrire face à une situation inédite, imprévisible, surprenante, historique. J'ai plutôt l'habitude de décrire ici de petits aspects du quotidien, de partager des réflexions personnelles, sans grande prétention. Soudain, le monde s'écroule. Tenir un blog en pleine crise sanitaire mondiale apparaît quelque peu illusoire.  J'écrivais pourtant, sur ce même blog, il y a plusieurs années maintenant, ce sentiment de vivre depuis ma naissance le temps des crises perpétuelles . J'entendais parler depuis toujours - du moins était-ce mon sentiment - de crise. Crise de l'éducation nationale, crise du travail, crise identitaire, crise de l'hôpital, crise écologique bien sûr, crise migratoire, crise économique, j'en passe et des meilleurs. La crise était devenue la norme. Et c'est de nouveau le cas, il me semble. Nous vivons l'époque d'une crise continue.

Pourquoi j'aime la Poésie

J e ne saurais expliquer comment m'est venue l'envie d'apprendre par cœur des poèmes, quand j'avais une dizaine d'années. Bien sûr, il y avait des livres chez moi. Des bibliothèques qui accordaient une place non négligeable à la poésie. Bien sûr, j'aimais ces recueils, qui s'ouvraient d'eux-mêmes aux pages les plus précieuses, offrant ces mots qui disaient tout  en disant  peu . " Il faut peu de mots pour dire l'essentiel ". Bien sûr, j'avais la chance d'avoir, à portée de la main, Aragon, Baudelaire, Éluard, Reverdy ou Rimbaud. Et puis, il y avait mon arrière-grand-père, cet héritage culturel transmis dès le plus jeune âge. Ce Victor Segalen dont je pouvais parcourir les ouvrages originaux. Pour sentir ce papier proche d'un papyrus, soigneusement plié entre deux plaques de bois fines que tenait jointes un ruban. Ça aide, d'avoir ainsi dès l'enfance une admiration pour l'écriture. Et une raison supplémentaire