Accéder au contenu principal

Un automne jonché de taches de rousseur

Ça y est, je retrouve l'envie d'écrire. 
Je me préoccupe peu d'être lu. Je veux écrire comme on joue au piano, dans une grande maison de vacances, sans se soucier de savoir si les autres sont à l'intérieur, dans quelque chambre, à se reposer en lisant des bande-dessinées par exemple, ou bien dehors, à se dorer au soleil. Je veux que les mots qui me viennent soient semblables à ces notes de musique qui, en pareille circonstance, ne seraient pas entendues de la même façon par tous, voire pas entendues du tout.

Un soleil d'automne sur une page poussiéreuse

Écrire pour moi, avant tout. Pour apprendre à me reconnaître, en me relisant (pour paraphraser Paul Valéry, qui écrivait avec raison : “combien on s'ignore, on le mesure en se relisant”).


Il y a chez moi pas mal de bouquins, dont la plupart contiennent des pages qui attendent patiemment d'être lues. Je viens à l'instant de tomber sur un poème de Stéphane Mallarmé, dans un petit ouvrage poussiéreux, et je n'ai aucun souvenir de l'avoir lu par le passé. Le voici : 

Soupir

Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d'eau soupire vers l'Azur !
- Vers l'Azur attendri d'Octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l'eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d'un long rayon.

C'est un beau petit poème, pour un premier jour d'Octobre, n'est-ce pas ?

Par-dessus mon épaule

J'essaye d'imaginer Mallarmé l'écrivant. Je me souviens en effet d'une autre formule de Paul Valéry, que j'aime bien : “il faut regarder les livres par-dessus l'épaule de l'auteur”. C'est assez vrai. Je me figure donc cet auteur, rebroussant de sa main gauche les poils de sa moustache grisonnante, et écrivant de son autre main : “un automne jonché de taches de rousseur”… avant de sourire, satisfait.

Si je combinais les deux formules de Paul Valéry, il faudrait que je parvienne à me relire par-dessus ma propre épaule : peut-être que, de cette façon, on arrive à se découvrir. Mais cela implique d'inévitables (et probablement douloureuses) contorsions.

Bon. J'ai du mal à conclure là-dessus, alors je vous laisse avec eux, ou plutôt avec elles :


Bonne journée !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Derrière les mots et les images des médias sociaux

J amais il n'y avait eu de si longues périodes de silence sur mon blog. Aucun post depuis février. Je crois que j'avais besoin de prendre un peu de recul. De m'interroger aussi sur ma présence en ligne. Allez savoir si c'est l'âge - le mien, d'ailleurs, ou celui d'Internet - ou autre chose encore : mais on finit par se poser des questions sur ces mots qu'on donne à lire. C'est sans doute à force de consulter les plateformes sociales. Toutes ces images, ces vidéos, ces sourires affichés, qu'on voit quotidiennement. En sachant aussi ce qu'ils cachent. C'est notre époque : nous possédons des outils de plus en plus performants pour communiquer, mais ce que nous communiquons est souvent loin de ce qui nous anime véritablement. Souvent loin de ce que nous sommes. En résulte sans doute parfois un certain mal-être, qui est compensé par ces mêmes outils numériques nous offrant des solutions de méditation ou des cures de sommeil. C'est la montr

Puisqu'il faut vivre avec

J e ne sais même pas par où il faudrait commencer. Ce n'est finalement pas simple d'écrire face à une situation inédite, imprévisible, surprenante, historique. J'ai plutôt l'habitude de décrire ici de petits aspects du quotidien, de partager des réflexions personnelles, sans grande prétention. Soudain, le monde s'écroule. Tenir un blog en pleine crise sanitaire mondiale apparaît quelque peu illusoire.  J'écrivais pourtant, sur ce même blog, il y a plusieurs années maintenant, ce sentiment de vivre depuis ma naissance le temps des crises perpétuelles . J'entendais parler depuis toujours - du moins était-ce mon sentiment - de crise. Crise de l'éducation nationale, crise du travail, crise identitaire, crise de l'hôpital, crise écologique bien sûr, crise migratoire, crise économique, j'en passe et des meilleurs. La crise était devenue la norme. Et c'est de nouveau le cas, il me semble. Nous vivons l'époque d'une crise continue.

Pourquoi j'aime la Poésie

J e ne saurais expliquer comment m'est venue l'envie d'apprendre par cœur des poèmes, quand j'avais une dizaine d'années. Bien sûr, il y avait des livres chez moi. Des bibliothèques qui accordaient une place non négligeable à la poésie. Bien sûr, j'aimais ces recueils, qui s'ouvraient d'eux-mêmes aux pages les plus précieuses, offrant ces mots qui disaient tout  en disant  peu . " Il faut peu de mots pour dire l'essentiel ". Bien sûr, j'avais la chance d'avoir, à portée de la main, Aragon, Baudelaire, Éluard, Reverdy ou Rimbaud. Et puis, il y avait mon arrière-grand-père, cet héritage culturel transmis dès le plus jeune âge. Ce Victor Segalen dont je pouvais parcourir les ouvrages originaux. Pour sentir ce papier proche d'un papyrus, soigneusement plié entre deux plaques de bois fines que tenait jointes un ruban. Ça aide, d'avoir ainsi dès l'enfance une admiration pour l'écriture. Et une raison supplémentaire