On s'accorde souvent pour dire qu'il faut prendre le temps de réfléchir, avant de parler. Le sens commun veut qu'on mûrisse une idée avant de la prononcer. C'est plus prudent. On peut regretter, sinon, d'avoir parlé trop vite ; de ne pas avoir tourné sept fois sa langue dans sa bouche.
Commencer par concevoir
La sagesse apprend à calmer les ardeurs des jeunes années, où l'on s'exprime de façon trop spontanée. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Il faut donc commencer par concevoir, par cerner les tenants et les aboutissants du sujet, par affiner ses arguments.
Faire l'économie de cette étape, c'est prendre un risque. Le risque de paraître stupide.
Je suis le premier, sur ce blog, à dire qu'il est nécessaire de prendre du recul, d'être attentif à ce qui n'est pas évident, à ce qui ne se donne pas immédiatement. Je le reconnais bien volontiers. Mais j'aimerais nuancer ce point de vue.
Imbécile heureux
Quel plaisir en effet que celui de ne penser à rien. Ne plus être harcelé par toutes ces opinions, ces jugements, ces idées de passage, qui viennent et reviennent, sans cesse. On parle parfois - de façon peu élégante - de diarrhée verbale. Mais qu'en est-il de ce flux ininterrompu de pensées, plus ou moins nobles, plus ou moins judicieuses, plus ou moins supportables, qui agitent nos neurones ?
Ah, parvenir à faire le vide. Ne plus réfléchir. Ne plus cogiter. Être, simplement.
Je ne pense plus donc je suis, en quelque sorte. Je me contente d'être. Je ne cherche pas à tout reconsidérer, à tout remettre en question, je ne m'embarrasse pas de philosophie, je n'imagine plus la vie des passants que je croise dans la rue, aux terrasses des cafés, ou dans le métro parisien…
Se contenter d'être
Je suis moi. Je marche. Je respire. Je regarde le monde qui m'entoure. Je ressens le vent dans mes cheveux, sur mon visage, sur mes mains. Je n'anticipe rien, surtout. Gouverner, c'est prévoir : eh bien je ne gouverne plus, je me laisse emporter ; je largue les amarres. Que sera, sera. Je ne réponds plus de rien.
Je me souviens d'une version latine, au collège, où l'auteur filait une métaphore sur le corps humain, avec la tête qui incarnait le pouvoir exécutif - et les membres suivaient. Ce soir, je libère ma conscience. Coup d'état. Je fais la politique de la chaise vide. Je demande à mes pensées de se taire.
Nous vivons dans un monde où tout nous invite en permanence à exprimer notre opinion. Le silence n'existe pas. Les pauses - dans le flux d'information, que ce soit à la télévision, ou sur Internet - ne sont que des pauses publicitaires, pour nos cerveaux devenus disponibles.
L'honneur du vide
J'aime Twitter : mais Twitter, lui aussi, a horreur du vide. On dit souvent qu'un tweet ne peut comprendre plus de 140 caractères. C'est vrai. Mais on oublie de dire qu'il est aussi impossible de tweeter un message de 0 caractère. Tant que vous n'avez rien tapé sur votre clavier, vous ne pouvez pas publier votre tweet.
Idem sur Facebook, et sur l'ensemble des médias sociaux.
Il faudrait pouvoir reconnaître l'honneur du vide ; accorder un plus grand respect au silence ; savourer le moment - quand on se prend un vent, quand votre interlocuteur décide de ne pas vous répondre ; apprécier à sa juste valeur un bide, lorsque personne ne s'esclaffe. L'éloge du rien. La grandeur du néant.
Mer grise,
Où brise,
La brise,
Tout dort.
Les moines cisterciens ont bien compris cela « Je veux surveiller ma conduite pour ne pas pécher avec ma langue. J'ai mis un frein à ma bouche. J'ai gardé le silence. Je me suis fait petit et je n'ai même pas parlé de choses bonnes » (Psaume 38, 2-3)
RépondreSupprimer"Sometimes I sit and think, and sometimes I just sit" est une de mes pensées préférées...
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