Accéder au contenu principal

Les idées des autres

Je pense souvent à tous ceux qui m'ont précédé, tous ces autres qui, avant moi, ont vécu, inventé, créé, construit. Tous ces autres à qui je dois tant. Sur le fronton du Panthéon, il y a cette formule, que j'ai pu lire tant de fois : “AUX GRANDS HOMMES, LA PATRIE RECONNAISSANTE”. Je pense à eux, en écrivant ces lignes, ainsi qu'à tous les autres, qui ont contribué à faire progresser l'humanité.

Derrière chaque objet, derrière chaque chemin, derrière chaque construction, il y a un homme ou une femme. Derrière chaque idée, il y a une conscience. Dès que vous voyez une lettre, un signe, un chiffre, imprimé quelque part, pensez qu'une personne a tapé cette lettre sur un clavier, un jour.

On doit beaucoup à d'autres que nous

Grâce à d'autres, je vis dans un pays libre, où les pouvoirs s'équilibrent, où l'opposition peut s'exprimer, où le peuple vote, où la presse n'est pas bâillonnée. D'autres que moi, bien avant ma naissance, ont bossé sur les institutions de mon pays : des heures durant, à la lumière d'une bougie, ils se sont creusé le crâne, ont pesé le pour et le contre, ont choisi telle option plutôt que telle autre, ont rédigé des pages et des pages, pour me donner quelques siècles plus tard la chance d'avoir des droits (et des devoirs).

Grâce à d'autres, mon espérance de vie est beaucoup plus grande que celle de mes ancêtres. Des médecins, des chercheurs, des savants, ont permis à ma génération de vivre plus longtemps. La plupart des épidémies ont été éradiquées. Et je n'ai qu'une idée vague de ce que devaient représenter la peste, la lèpre, le choléra, pour ceux qui vivaient auparavant.
Grâce à d'autres, je n'avais pas le droit de travailler quand j'étais enfant. La loi me protégeait. Il était impossible de me voir dans le tunnel d'une mine de charbon, à 8 ans.
Grâce à d'autres, je vis en paix, et je trouve ça normal ; je n'ai jamais connu la guerre. Je ne sais pas très bien ce que c'est. Je peux, bien sûr, imaginer des hommes dans la boue des tranchées, baïonnette au canon, un casque sur la tête, sous une pluie de bombes. Mais je serais loin, très loin, de la réalité.

Grâce à d'autres, je peux manger à peu près n'importe quoi, n'importe quand. C'est-à-dire que d'autres que moi cultivent, d'autres que moi cuisinent, d'autres que moi acheminent, d'autres que moi entreposent. La famine, je ne sais pas non plus ce que c'est. Parfois, je dis que “je meurs de faim”, mais bien sûr j'oublie que des millions d'autres sont réellement morts de faim, au cours de l'Histoire. Ou meurent de faim, ailleurs qu'ici.

Le paradis, c'est les autres

Grâce à d'autres, je peux me rendre n'importe où sur Terre à condition d'y mettre un certain prix. Si j'entre dans le métro parisien, je suis presque toujours certain de voir un train arriver en moins de 10 minutes pour me conduire à destination, quelle qu'elle soit

Grâce à d'autres, tous les mercredi, je peux aller au cinéma en étant sûr de voir de nouveaux films, de nouvelles productions. Grâce à d'autres, je n'ai pas peur d'être égorgé par des brigands, quand j'emprunte un chemin en forêt. Grâce à d'autres, les rues des villes sont éclairées. Grâce à d'autres, je peux boire un verre en terrasse, un soir de printemps. Je peux m'informer. Je peux lire. Des centaines de milliers d'autres ont écrit des romans, des essais, des pièces de théâtre, des poèmes, dans toutes les langues. Grâce à d'autres, je peux acheter des fleurs à tous les coins de rue. 

Grâce à d'autres, enfin, j'accède à Internet, et j'ai la possibilité d'écrire ce billet de blog.

C'est simple. Sans les autres, il n'y a rien.
Cela me fait penser aux photographies de Lucie & SimonSilent World. Que serait le monde, sans les autres ?


Et maintenant, que dois-je faire ?

Mais, concrètement, qu'ai-je fait, moi ? Qu'ai-je inventé, moi ? Qu'ai-je apporté au monde ? Comment puis-je contribuer à tout cela ? Que puis-je laisser derrière moi ? Comment faire partie de ce long cortège d'hommes et de femmes que j'admire et que je remercie aujourd'hui ?

Ne pas se poser ces questions, c'est accepter de n'être au bout du compte qu'un passant. 
C'est accepter d'être un touriste de l'existence, plutôt qu'un voyageur.

Alors, la première chose que je peux faire, peut-être, c'est partager mon optimisme. 
L'espoir de l'optimiste est au moins aussi infondé que l'anxiété du pessimiste. Mais il a l'avantage, l'espoir, de guérir, de renforcer, de rassurer, quand l'angoisse ronge et quand le désespoir tue. 

Je vais donc tenter de “garder la pêche”, dans un premier temps. Ce sera déjà ça. Pour le reste, on verra…


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Derrière les mots et les images des médias sociaux

J amais il n'y avait eu de si longues périodes de silence sur mon blog. Aucun post depuis février. Je crois que j'avais besoin de prendre un peu de recul. De m'interroger aussi sur ma présence en ligne. Allez savoir si c'est l'âge - le mien, d'ailleurs, ou celui d'Internet - ou autre chose encore : mais on finit par se poser des questions sur ces mots qu'on donne à lire. C'est sans doute à force de consulter les plateformes sociales. Toutes ces images, ces vidéos, ces sourires affichés, qu'on voit quotidiennement. En sachant aussi ce qu'ils cachent. C'est notre époque : nous possédons des outils de plus en plus performants pour communiquer, mais ce que nous communiquons est souvent loin de ce qui nous anime véritablement. Souvent loin de ce que nous sommes. En résulte sans doute parfois un certain mal-être, qui est compensé par ces mêmes outils numériques nous offrant des solutions de méditation ou des cures de sommeil. C'est la montr

Puisqu'il faut vivre avec

J e ne sais même pas par où il faudrait commencer. Ce n'est finalement pas simple d'écrire face à une situation inédite, imprévisible, surprenante, historique. J'ai plutôt l'habitude de décrire ici de petits aspects du quotidien, de partager des réflexions personnelles, sans grande prétention. Soudain, le monde s'écroule. Tenir un blog en pleine crise sanitaire mondiale apparaît quelque peu illusoire.  J'écrivais pourtant, sur ce même blog, il y a plusieurs années maintenant, ce sentiment de vivre depuis ma naissance le temps des crises perpétuelles . J'entendais parler depuis toujours - du moins était-ce mon sentiment - de crise. Crise de l'éducation nationale, crise du travail, crise identitaire, crise de l'hôpital, crise écologique bien sûr, crise migratoire, crise économique, j'en passe et des meilleurs. La crise était devenue la norme. Et c'est de nouveau le cas, il me semble. Nous vivons l'époque d'une crise continue.

Pourquoi j'aime la Poésie

J e ne saurais expliquer comment m'est venue l'envie d'apprendre par cœur des poèmes, quand j'avais une dizaine d'années. Bien sûr, il y avait des livres chez moi. Des bibliothèques qui accordaient une place non négligeable à la poésie. Bien sûr, j'aimais ces recueils, qui s'ouvraient d'eux-mêmes aux pages les plus précieuses, offrant ces mots qui disaient tout  en disant  peu . " Il faut peu de mots pour dire l'essentiel ". Bien sûr, j'avais la chance d'avoir, à portée de la main, Aragon, Baudelaire, Éluard, Reverdy ou Rimbaud. Et puis, il y avait mon arrière-grand-père, cet héritage culturel transmis dès le plus jeune âge. Ce Victor Segalen dont je pouvais parcourir les ouvrages originaux. Pour sentir ce papier proche d'un papyrus, soigneusement plié entre deux plaques de bois fines que tenait jointes un ruban. Ça aide, d'avoir ainsi dès l'enfance une admiration pour l'écriture. Et une raison supplémentaire