Nous le pressentions, nous le savons désormais - avec l'apparition des nouvelles Time Lines - Facebook ne se contente plus de nos données personnelles, mais tient véritablement à ce que nous racontions notre vie sur sa plate-forme. Au sens propre, on le sait, Facebook signifie simplement “trombinoscope”. Mais à chaque mise à jour, le site encourage ses utilisateurs à aller bien au-delà du simple carnet d'adresses imagé. Il ne s'agit plus de fournir quelques renseignements basiques : date d'anniversaire, lieu d’études, goûts, etc. À présent, il faut se raconter, de façon chronologique, organiser les événements de son existence en fonction de leur importance, rythmer ses statuts de dates cruciales (naissance, réussites professionnelles, mariage…), distinguer ses amis proches de ses vagues camarades, et j’en passe.
Le rêve impossible de Facebook
Bien entendu, tout le monde n'abdique pas. Mais qu'on le veuille ou non, le mouvement est lancé. Le rêve de Facebook : devenir ce film de quelques minutes qui, selon la croyance populaire, défile aux yeux de celui qui s'apprête à mourir. La Time Line facebookienne vise ainsi à rassembler les dernières images aperçues par l'agonisant. Vaste projet. Certains marketeurs ont commencé à le comprendre, et s’en inspirent pour des opérations intelligentes (merci Le Publigeekaire pour le lien) : https://www.facebook.com/Antidrugstimeline
Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que cela n’arrivera jamais. Personne ne tient à se livrer pleinement sur un site communautaire. La vie réelle ne sera jamais prisonnière d’une plate-forme sociale. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on utilise l’acronyme IRL (In Real Life).
Les internautes ne s’y trompent pas. Ils savent bien que leur vie réelle est ailleurs. Ce qu’ils confient à Facebook n’est qu’un reflet transparent de leur existence.
Transparence et profondeur
“Vous trouvez que je m’explique assez clairement”, écrivait Voltaire, “c’est que je suis comme les petits ruisseaux : ils sont transparents parce qu’ils sont peu profonds”. Il en va de même pour n’importe quel blog, n’importe quel réseau social. On ne s’y confie que partiellement. Ce que l’on offre au regard de l’autre n’est qu’une partie choisie de ce que l’on veut raconter.
C’est la fameuse extimité, par opposition à l’intimité que l’on préserve pour soi (voir cet article, sur le sujet) L’extimité, pour être transparente, ne peut être que superficielle. Comme un premier niveau vers la réalité. Pour reprendre l’image de Voltaire, on pourrait dire que l’extimité est la mer qui borde la plage, quand l’intimité ressemble plutôt à la haute mer, dont les profondeurs demeurent insoupçonnées.
Le for intérieur préservé
Autrement dit, Internet ne change pas totalement la donne. Le personal branding, l’e-réputation, ou, plus globalement, la tendance de la jeune génération notamment à se livrer plus facilement, ne signifient pas un changement radical. Nous sommes encore loin de l’ère de la transparence absolue. Si l’extimité est la couche supérieure de l’épiderme (la peau), on peut dire que les personnes se découvrent de plus en plus, c’est vrai. On enlève quelques couches de vêtement. On donne plus à voir. Le maillot une pièce fait place au bikini. Mais cela ne va pas plus loin.
Et heureusement, d’ailleurs.
Trop de transparence gâcherait tout.
Commentaires
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