Il y aurait beaucoup à dire sur le café. Boisson
omniprésente dans la vie professionnelle, qui incarne comme nulle autre la
“pause”, mais qui comprend en même temps des vertus énergisantes, visant à
redonner du cœur à l’ouvrage. On ne boit pas un café pour se reposer, mais au
contraire pour mieux se relancer ensuite. “Je
vais me faire un petit café” signifie à la fois l’arrêt momentané de mon
activité de travail, mais aussi et surtout le retour déjà programmé, avec un
surplus de motivation et d’énergie à dépenser.
Bien souvent, les pauses café sont néanmoins le prétexte à
une rupture de rythme, un repos mérité, des discussions entre collègues. La
boisson, en elle-même, est vite ingurgitée, mais on reste là, pour échanger en
jouant avec sa tasse et sa touillette. C’est un aspect fondamental,
d’ailleurs ; le café est la boisson prétexte par excellence. Peu importe
qu’un espresso contienne en lui-même si peu de liquide à boire. Ce qui compte,
c’est ce qu’il engendre : une réunion informelle, des tergiversations
partagées, un moment de détente professionnellement justifié, et socialement
accepté.
En outre, le café vient souvent conclure un repas, pour mieux le
prolonger. Il est une seconde chance ; un répit que l’on s’accorde. Son
faible coût se prête bien à ce manège là.
On peut se le permettre, à tous les
sens du terme.
What else ?
Ce qui compte, aussi, c’est tout ce qui le précède.
La
préparation tient un rôle non négligeable. Les capsules, les dosettes, le bruit
de l’eau qui vient à bouillir, le sucre que l’on trempe ou que l’on disperse
éventuellement, la fumée qui s’échappe de la tasse, etc.
“There are three intolerable things in life - cold coffee, lukewarm champagne, and overexcited women…” Orson Welles
Le café est enfin une boisson adulte. La plupart des enfants
l’abhorrent, même s’ils sont tentés de le goûter à plusieurs reprises pour
participer à cette cérémonie de fin de repas, qui semble réservée à leurs
parents. Mais ce goût si particulier les désillusionne rapidement. Comme le vin ou la bière, le café
est réservé aux personnes qui ont pris le temps de s’y faire. C’est un breuvage qu’on apprend à connaître, une boisson qu’on apprend à aimer.
De sorte que les publicités n’ont pas un effet immédiat. C'est d'ailleurs assez amusant. Je
me souviens de celles que je voyais au cinéma, étant enfant. Tout me
séduisait : l’atmosphère, la noirceur du liquide, la musique envoutante,
les images ralenties de la goutte qui retombe parfaitement, la sensualité, le
mannequin de Carte Noire qui portait la tasse à ses lèvres, les mots qui
accompagnaient le tout : “un café nommé désir”…
Try to remember
Tout me séduisait, sauf l’essentiel : le goût de ce
fameux café dont on me (sur)vendait les vertus. Try to remember : j’avais beau essayer, je ne me souvenais que
de mes déceptions répétées, à chaque nouvelle tentative, à chaque canard (lorsque l’on trempe le sucre
dans le café de ses parents), à chaque éclair au café – si mauvais comparé aux
succulents éclairs au chocolat.
Bon, aujourd'hui, avec un peu de recul, je me dis que je n’étais tout simplement pas dans la
cible des marketeurs.
“Le café est un breuvage qui fait dormir quand on n'en prend pas” Alphonse Allais
D'autant que finalement, je m’y suis mis peu à peu. Comme pour le vin, j’ai
compris qu'il s'agit d'une boisson qui révèle son secret progressivement. Ce n’est pas son goût qui importe le plus, de prime abord. Le goût se redécouvre ensuite,
le goût s’apprivoise, le goût s’inscrit dans la durée. Et c’est alors que la
formule Try to remember prend tout
son sens. Le café peut devenir cet élément du quotidien. Ce breuvage incontournable.
Jusqu’à l’excès parfois.
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