Certains de nos souvenirs semblent irréfutables, et pourtant, la mémoire nous joue des tours, indiscutablement. La neuro-science nous le prouve continuellement, et plusieurs études confirment cette “illusion du souvenir”.
J'ai le sentiment de me souvenir de pas mal de choses. Si je cherche quelques images - sensations ou impressions - qui correspondent à des instants de mon passé, j'en entrevois plusieurs. Et si je poursuis l'effort de mémorisation, je peux même me replonger plus ou moins dans l'état d'esprit qui était le mien alors. Mais cette réminiscence est-elle fidèle à ce que je ressentais véritablement, au moment présent ?
C'est ce que je pensais auparavant.
Souvenir, souvenir
J'ai le sentiment de me souvenir de pas mal de choses. Si je cherche quelques images - sensations ou impressions - qui correspondent à des instants de mon passé, j'en entrevois plusieurs. Et si je poursuis l'effort de mémorisation, je peux même me replonger plus ou moins dans l'état d'esprit qui était le mien alors. Mais cette réminiscence est-elle fidèle à ce que je ressentais véritablement, au moment présent ?
C'est ce que je pensais auparavant.
Souvenir, souvenir
C'était avant de lire un article très intéressant - intitulé “La science montre que vous êtes stupide”. Abordant la question de la mémoire, mais aussi celle de la conscience, ou celle de la volonté, l'auteur de cet article démontre que tout ce dont on se souvient est en fait une réinvention pure et simple de la réalité.
Plusieurs expériences ont montré que nous construisons nous-mêmes nos propres souvenirs, nous les forgeons, peu à peu. Il suffit de prendre l'exemple du psychologue Ulri Neisser, qui a demandé à une centaine d'étudiants - individuellement - de décrire leur perception d'un événement historique : l'explosion de la navette Challenger, en 1986. L'exercice consistait à répondre à quelques questions simples : où ils se trouvaient, avec qui, comment ils s'étaient sentis, quelles pensées étaient venues à leur esprit.
“Deux ans et demi plus tard, on a rassemblé les mêmes étudiants pour leur demander de répondre à nouveau par écrit aux mêmes questions. Lorsque les nouvelles descriptions ont été comparées avec les originales, elles ne correspondaient pas. Lieux, personnes, sentiments, premières réflexions : les étudiants avaient modifié leur version des faits. De plus, lorsqu'ils ont été confrontés à leur première description, ils étaient tellement attachés à leurs "nouveaux" souvenirs, qu'ils avaient du mal à croire leurs anciennes versions”.
Pour revenir aux souvenirs, je ne sais pas si tout cela est profondément angoissant ou au contraire très rassurant. Mais là encore, Lavoisier semblait avoir raison, quand il déclarait : “Rien ne se perd, rien ne se crée. Tout se transforme”.
Dans quelques temps, vous vous souviendrez peut-être de ce billet, lu sur le web, un jour d'hiver. Mais votre cerveau l'aura probablement retravaillé d'une toute autre façon.
Ce qui est particulièrement intéressant, c'est l'illusion du souvenir. Mon souvenir est net, mais j'apprends qu'il ne correspond pas à la réalité.
Une incessante réinvention
Dans le prolongement de cela, un certain nombre de scientifiques soulignent que la pensée elle-même doit être reconsidérée. Toujours dans le domaine des neurosciences, diverses expériences ont montré que l'homme a tendance à justifier ses propres pensées.
Les neuroscientifiques Michael Gazzaniga et Roger Sperry ont constaté que les personnes qui ont un corps calleux (le pont entre le cerveau droit et gauche de l’épaisseur d’un pouce) rompu, agissent avec deux “volontés” différentes :
“(…) L’hémisphère gauche est en charge du langage. L’hémisphère droit est en charge de la vue. Si vous montrez furtivement l’image d’une cuillère à l’œil du cerveau droit d’un patient atteint d’une section du corps calleux, il vous dira qu’il ne voit rien. Si vous lui demandez de prendre un objet par la main qui correspond à l’hémisphère droit, le patient prendra la cuillère qu’il prétendait ne pas voir tout en étant incapable de savoir ce qu’il tient dans la main.
Lorsque Sperry a montré furtivement un écriteau “MARCHE” à l’hémisphère droit en charge de la représentation visuelle, le patient s’est levé et a traversé la pièce. Mais lorsqu’on lui a demandé pourquoi il venait de le faire, il (le cerveau gauche en charge du langage) a répondu : « To get a coke (pour avoir un coca) ». Imaginez l’étonnement de Sperry à ce moment là, alors qu’il connaissait la véritable raison du déplacement du patient. L’hémisphère du langage parvient à émettre spontanément une réponse, mais le propriétaire du cerveau n’en avait aucune idée”.J'imagine qu'il s'agit là surtout d'hypothèses scientifiques. Mais tout cela fait réfléchir. D'autant que l'idée selon laquelle notre volonté doit être grandement nuancée a été défendue philosophiquement depuis de nombreuses années, en particulier par Spinoza, puis Schopenhauer.
Pour revenir aux souvenirs, je ne sais pas si tout cela est profondément angoissant ou au contraire très rassurant. Mais là encore, Lavoisier semblait avoir raison, quand il déclarait : “Rien ne se perd, rien ne se crée. Tout se transforme”.
Dans quelques temps, vous vous souviendrez peut-être de ce billet, lu sur le web, un jour d'hiver. Mais votre cerveau l'aura probablement retravaillé d'une toute autre façon.
Commentaires
Enregistrer un commentaire