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L'homme est désormais un animal social

L'émergence d'Internet en général et des médias sociaux en particulier, ainsi que leur expansion fulgurante au travers du monde, constituent un événement sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Cette phrase semble évidente aujourd'hui. Les comparaisons qui sont faites, soit avec le développement de l'imprimerie, soit avec la révolution industrielle, sont nombreuses, et se justifient tout à fait. 

Mais pour moi qui suis né à l'aube de cette révolution numérique, le bouleversement engendré par le développement du web, dans un premier temps, et du web social, ces toutes dernières années - avec dans le même sillage l'engouement collectif pour les appareils mobiles qui permettent la géolocalisation - est sans commune mesure

Ce qui change la donne, en particulier, c'est l'interconnexion perpétuelle des hommes, qui peuvent communiquer sans discontinuer. Une personne sur trois accède à Internet aujourd'hui. Dans quelques années, plus d'une personne sur six aura un compte Facebook sur cette Terre. Ces chiffres ne surprennent plus personne, et pourtant ils incarnent une réalité qui était totalement imprévisible hier et qui demeure profondément stupéfiante aujourd'hui. 

Le rire était autrefois le propre de l'homme. Les médias sociaux le sont encore plus
L'homo sapiens sapiens sapiens est un homme social par essence. Mais il l'est aussi de fait, en possédant les outils qui lui permettent d'entrer en contact avec n'importe quel autre semblable à n'importe quel moment et quelque soit le lieu où il se trouve à cet instant. 

Un animal social, sur les médias sociaux

Et ça s'agite, sur les réseaux, ça échange, ça discute, ça partage. Plus de 90 millions de tweets envoyés tous les jours, selon Evan Williams - le créateur de Twitter. Plusieurs milliards de photographies sur FlickR, Picassa, Facebook. Des statuts mis à jour continuellement. Des vidéos mises en ligne, des liens envoyés, des documents partagés. Des livres numérisés. Des villes modélisées. Le mouvement est incessant. Comme une fourmilière, en constante agitation. 

C'est vertigineux, et fascinant à la fois. On pourrait observer pendant des heures ces va-et-viens, ces discussions, ces échanges. Comme l'on s'assoit pour observer les fourmis. Et j'aurais presque envie d'acquérir suffisamment de savoir informatique pour provoquer des dysfonctionnements, et regarder ce qui advient. Comme on jette une allumette au sein d'une fourmilière. Ou comme on y place un morceau de sucre.

Les fourmis interconnectées, mais trop communautaires

Les fourmis ont-elles inventé les médias sociaux, bien avant l'homme ? Non. Mais, elles ont inventé l'intranet. Depuis une éternité, elles sont interconnectées. Mais leurs sociétés sont trop individualistes, trop nationalistes, trop centrées sur la reine mère, le bien être de leur propre communauté. Elle se savent pas se dépasser. Heureusement pour nous d'ailleurs, car c'est là leur faiblesse. Et le jour où les dix millions de milliards de fourmis (c'est le nombre estimé aujourd'hui par les scientifiques) sauront se connecter les unes aux autres, l'espèce humaine sera grandement menacée. Croyez-moi !

Mais si c'est là leur faiblesse, c'est aussi là notre force. L'union fait la force. Nous avons cette chance aujourd'hui, d'être connectés les uns aux autres. Ou potentiellement connectés. Internet favorise l'innovation, la création, l'émergence d'idées neuves. Mais aussi le développement de projets, via le crowdsourcing et le crowdfunding, par exemple. 

Twitter ne doit pas être un simple poulailler

L'une des conditions du progrès numérique, c'est la prise de conscience collective de la responsabilité qui nous incombe. C'est en ce sens que je me suis exprimé sur www.narominded.com, en rappelant le risque réel de tout gâcher, à ne pas prendre la mesure de l'enjeu (voir l'article sur les “ruines du web social”). J'y évoquais Twitter en particulier. Vous savez, le site dit de “micro-blogging”. Une plate-forme qui apporte beaucoup, mais qui déplait parfois, de prime abord. Un site sur lequel on trouve le meilleur du Web, mais pas toujours. 

Car Twitter est aussi un poulailler. La volaille y picore des informations de 140 caractères - quelques graines, tout au plus. Et ce, sans discontinuer, comme les poules, toujours à la recherche de nourriture, jamais rassasiées. Certaines sont plus pondeuses que d'autres. Certaines plus malignes aussi.  
Et il y a quelques coqs également, qu'on appelle “membres influents”. Ils paradent, quand les poules dandinent. Ils sont fiers de leur crête, et lèvent davantage la tête. Les poules, elles, sont trop occupées à marteler le sol de leur bec. 

Il y a un risque à ne pas prendre conscience de ce que sont les médias sociaux

Le risque, le voilà : 
Mais attention ! Je n'ai aucune leçon à donner à qui que ce soit, à propos des plates-formes communautaires. Je considère juste, personnellement, qu'elles peuvent mener au pire comme au meilleur. Aussi faut-il être vigilant. Aussi faut-il s'efforcer de créer de belles choses. Lancer des initiatives. Construire. Imaginer. Et garder aussi longtemps que possible cet émerveillement - grandement partagé sur Internet, à mon sens - pour ces outils qui se développent sans cesse, et qui accroissent toujours un peu plus notre interconnexion. 

Exit
Et le jour où nous en auront marre, nous pourrons toujours nous exiler quelque part. Pour vivre en paix.

Commentaires

  1. Merci pour ce billet fourmillant ;-) de pertinence.

    Je pense qu'il est nécessaire de scinder l'analyse en deux, en rangeant d'un côté les native et les immigrants. Ils n'ont pas la même approche digitale et ne sont tout simplement pas du même monde. On le sait déjà, mais il me paraît essentiel d'intégrer toujours cela à toute analyse "macro".

    Côté immigrants, je partage l'analyse et l'on pourrait requalifier leur attitude future (ou déjà advenue) de "Tentation de Venise". L'effet poulailler (bien vu) est à la fois dénué de sens et assourdissant pour des personnes qui ne sont pas nées "connectées". On peut donc penser que par delà l'engouement (ou au contraire l'adoption lente) les immigrants se ménageront des espaces et des moments non digitaux, hors réseau. Dans quelle proportion ? Cela reste à voir. Le social les accompagnera, mais pas forcément à tout instant, et dans toute action.

    Côté native, en revanche, j'ai tendance à penser qu'ils ne chercheront pas à s'opposer au "tout numérique" car pour eux la question ne sera pas tant l'intrusion du digital dans leur vie, que la constitution de sa "tribu" (vies IRL et URL en copié-collé) puis la maîtrise de son identité une fois dans le monde adulte et celui du travail : "l'efficacité" sociale, le casting des amis utiles. A se demander d'ailleurs si le networking n'éliminera pas le "lien social" (entendu comme altérité), mais c'est un autre sujet...

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