La fenêtre est ouverte. L'air du matin rafraîchit ma chambre. La semaine est terminée, le rythme s'apaise soudainement. Le bruit des médias se calme, et moi-même j'y accorde moins d'importance. Sur les réseaux sociaux, les gazouillis ne cessent pas pour autant. Mais apparaissent des messages plus doux, des détails de vie. Les uns évoquent la soirée de la veille, les autres leur plaisir d'être enfin en week-end. Moins de sondages, moins de chiffres, moins d'infographies, moins de rapports diffusés sur la Toile. Plus de lettres, de paroles, d'images, de témoignages…
Le consommateur que je suis
Pour aller à contre-courant, j'ai décidé de faire une petite infographie, en réunissant sur une même page toutes les marques qui ont compté pour moi cette semaine, pour une raison ou pour une autre. La liste n'est sans doute pas exhaustive, mais cela donne en quelque sorte un aperçu de ces quelques jours passés à Paris. Dis moi ce que tu consommes, je te dirai qui tu es. Voici donc qui je suis.
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Cela ne représente qu'une semaine. Et cet amas de marques est sans doute très incomplet. Avec un peu de chances, cela facilitera tout de même la tâche aux annonceurs qui cherchent à savoir quel consommateur je suis.
“Advertising is not what you think, dad”
Plus sérieusement, j'ai récemment écrit deux articles - que vous pouvez lire ici et là - sur l'évolution de la publicité en ligne. Un sujet pour le moins intéressant. Les nouvelles technologies permettent aux professionnels de la communication online de récolter des données cruciales sur les internautes. Et de les fournir ensuite aux annonceurs, pour permettre à ceux-ci de cibler plus précisément leurs opérations publicitaires. Ces données sont anonymes, bien heureusement. Elles correspondent en fait au navigateur de l'internaute - c'est-à-dire à sa navigation sur Internet, aux sites qu'il consulte le plus régulièrement.
Des sites existent - principalement aux Etats-Unis - qui permettent aux internautes de refuser purement et simplement que les données les concernant ne soient divulguées à des tiers. Ce type d'initiatives doit absolument être mis en place en Europe.
Mais une chose est sûre, avec Internet, la publicité évolue. Et mes futurs enfants ne comprendront sans doute jamais ce que la publicité représentait pour moi, dans ma jeunesse.
La publicité ciblée est-elle une bonne chose ?
Une vraie réflexion s'impose, sur cette évolution, et en particulier sur la montée en puissance des systèmes de recommandation. La publicité ciblée est-elle souhaitable, et si oui dans quelle mesure ? Si tous les messages qui me sont transmis concernent des marques que j'apprécie, que je souhaite suivre (ou “follower”), est-ce encore de la publicité ? Si, par ailleurs, ces marques savent l'intérêt que je leur porte, et s'adressent à moi en conséquences - en m'offrant certains avantages, des promotions, des conseils personnalisés ? N'est-ce pas tout à fait réjouissant ?
Voilà pour les point positifs.
A l'inverse, dans le cas où toute publicité me serait directement destinée, et immédiatement adaptée à mes envies, mes désirs, ma personnalité, ne serais-je pas pris au piège ? Comment évoluer si tout arrive pré-mâché, bouilli, conçu en fonction de ce que je suis, et non en fonction de ce que je deviens ou peux devenir ? Comment découvrir de nouvelles choses, de nouvelles marques, de nouveaux produits ? En étant la cible d'une opération publicitaire, le consommateur n'est-il pas contraint de rester ce qu'il est ou ce qu'il semble être ? N'est-il pas enfermé dans un stéréotype ?
L'une des solutions envisagées, par nombre d'acteurs contemporains, c'est de se fonder sur les rapports entretenus par l'internaute social avec ses “amis” sur les sites collaboratifs. C'est typiquement ce que fait Apple, avec la plate-forme de recommandation musicale Ping.
Le problème de cette solution - car la plupart des résolutions comportent leur part d'imprécision - c'est qu'une part de hasard est nécessaire. Tout ne peut découler d'un système logique, prenant en compte personnalité, liens sociaux, contextes, etc. D'autant que les internautes ont tendance à se rapprocher des personnes qui leur ressemblent - ce que l'on appelle dans le jargon scientifique : le phénomène d'homophilie. Cette solution ne peut fonctionner en tant que telle. Il faut de l'incertitude.
Je discutais hier soir avec Damien du hasard justement. Des coïncidences. Des concours de circonstances. Dans les algorithmes de recommandation mis en place par les professionnels de la communication, il faut laisser une part importante au hasard. Voilà un impératif, qui devrait être davantage défendu. Le hasard est le seul remède à l'uniformité. Sans lui, on devra se contenter de la fadeur d'un programme totalement automatisé.
Pour favoriser l'innovation, la co-création, le progrès, l'invention, de nombreux experts s'accordent aujourd'hui à dire qu'il faut du mélange, de la collaboration, du crowdsourcing. C'est en combinant plusieurs éléments que l'on parvient à faire émerger de grandes choses. Il faut ouvrir. Et s'ouvrir.
Social media opportunities
C'est la chance d'Internet. Et c'est l'avantage considérable de Twitter sur Facebook par exemple. Twitter permet de “partir vers l'inconnu, pour trouver du nouveau”. Facebook est d'une certaine façon plus conventionnel. Et je dis ça tout en ayant vu The Social Network hier soir. Facebook permet bien sûr d'échanger avec ses communautés, de partager avec ses amis, sa famille. Mais pour dire les choses de façon imagée, une fois que l'on commence à se familiariser avec le micro-blogging, on perçoit Twitter comme un TGV, Facebook comme un TER.
Cela étant, je ne veux pas faire du prosélytisme outre mesure - car l'avantage de Twitter c'est aussi que moins de 7 % des internautes français y ont un compte. Pourvu que ça dure.
Tiens, un peu plus de statistiques, pour rester à contre-courant. Aujourd'hui, plus de 40 % des Français considèrent que la publicité est “plutôt une mauvaise chose”, contre 30 % qui s'y disent globalement favorables.
Que sera-ce demain, quand la grande majorité des messages publicitaires correspondront très précisément aux envies, intérêts, désirs, des consommateurs ?
J'espère que la publicité saura se réinventer, elle aussi. Et que ces chiffres évolueront ; que l'on parviendra à créer de vraies relations entre les marques et leurs clients ; que les échanges seront fondés sur des intérêts communs ; et que l'on ne me proposera jamais plus d'acheter des serviettes hygiéniques, par exemple. Sans pour autant me rappeler tous les jours à quel point Apple est une marque géniale. Ça, je le sais déjà.
On notera l'utilisation de l'ancien logo Gap, revenu en grâce par la mobilisation des internautes clients.
RépondreSupprimerUne marque n'est pas un logo, ni un nom. C'est une expérience, une émotion, ou encore un souvenir.
La publicité ciblée ne peut avoir pour objectif de simplement pousser un "nom". Ca tombe bien l'émotionnel est très présent dans les nouveaux médias cités ici.
Ah et merci de la citation, pinaise y'a du beau monde autour.
Comment as-tu réalisé cette infographie? Par arbitrage pur ?
C'est important de le noter, en effet. Mais au fond, je ne sais pas très bien qu'en penser, de cette affaire de logo Gap. Car s'il s'agit de dire : "notre logo a vieilli, il faut le moderniser", puis "ok autant pour nous, on abandonne tout et on revient à l'ancien", ça démontre une capacité d'écoute, certes, mais aussi un manque de créativité et d'invention.
RépondreSupprimerAffaire à suivre en tout cas.
Tout à fait d'accord sur l'aspect que tu soulèves : une marque est bien plus qu'une histoire de logo. C'est la raison pour laquelle j'ai cité plusieurs blogs, où cela va de soi. Mais une marque est AUSSI incarnée par un logo et un nom. Le signe a son importance.
En ce qui concerne l'infographie, oui, en vérité ça ne prend pas beaucoup de temps. C'est un Top of Mind totalement arbitraire, vaguement ordonné. Et par conséquent certainement incomplet.