Accéder au contenu principal

Les Dernières Fois

Le premier baiser, le premier instant volé, le premier amour, la première aventure, le premier voyage, la première cigarette… On s'en souvient, des Premières Fois. Mais se souvient-on des Dernières Fois ? J'ai pensé à ça, tout à l'heure, alors que je flânais au soleil. 

Pour la dernière fois

Je ne me souviens pas de la dernière fois où mon père m'a porté dans ses bras - endormi - de la voiture à mon lit. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai eu la chance d'être dans une poussette. Ni de la dernière fois où j'étais sur les épaules de mon frère. Ni de mon dernier jour d'école, ni de la dernière fois où j'ai parlé à mon meilleur ami d'enfance, perdu de vue depuis. 

Je me souviens, bien sûr, de ma dernière cuite (difficile à oublier), de ma dernière cigarette, de la dernière fois où j'ai fait l'amour, de mon dernier rêve, mais j'ignore tout de mon dernier contrôle de mathématiques, de ma dernière dictée, de ma dernière cabane, de mon dernier château de sable…


Surtout, à chaque fois, j'ignorais l'importance du moment. Je ne savais pas que c'était le dernier. 

On ne sait jamais vraiment quand c'est la dernière fois

Le dernier biberon, la dernière couche, le dernier bain où je jouais à pécher et à vendre des poissons (en bois) à mes parents. Ça me chagrine un peu de ne pas me souvenir de la dernière soirée du collège, mais c'est aussi qu'il y en avait eu de nombreuses, toutes aussi libres et belles les unes que les autres. Des soirées, avec ma bande d'amis de l'époque, pleines d'insouciance.

Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai joué aux PLAYMOBIL® avec mon grand frère, ni de sa dernière claque. D'autant que la mémoire retravaille tout ça. Elle se cristallise sur certains détails, pour en faire des souvenirs impérissables, mais qui sont bien souvent partiels, biaisés. Je ne me souviens pas de la dernière fois où nous avons joué dans la forêt, ni de notre dernière partie d'ordinateur commune. Notre dernier “Sim City 2000”, notre dernier “Pirates”. 
Ce jour-là, pourtant, comme tous les autres, nous avons probablement joué tranquillement, sans penser à cela.

J'aimerais me rappeler de la dernière fois où j'ai joué aux billes, ou aux Pogs, dans la cour de récréation.  De mon dernier contrôle surprise, de mon dernier dessin d'ennui, au fond de la classe. Toutes ces dernières fois qui précédent un changement existentiel, un nouveau départ, une nouvelle époque de vie.

On devrait faire un vœu, comme pour les Premières Fois. 
Ça aurait même encore plus de sens.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je propose Samdim

Tu es mon amour depuis tant d'années

T u es mon amour depuis tant d'années, Mon vertige devant tant d'attente, Que rien ne peut vieillir, froidir ; Même ce qui attendait notre mort, Ou lentement sut nous combattre, Même ce qui nous est étranger, Et mes éclipses et mes retours. Fermée comme un volet de buis, Une extrême chance compacte Est notre chaîne de montagnes, Notre comprimante splendeur. Je dis chance, ô ma martelée ; Chacun de nous peut recevoir La part de mystère de l'autre Sans en répandre le secret ; Et la douleur qui vient d'ailleurs Trouve enfin sa séparation Dans la chair de notre unité, Trouve enfin sa route solaire Au centre de notre nuée Qu'elle déchire et recommence. Je dis chance comme je le sens. Tu as élevé le sommet Que devra franchir mon attente Quand demain disparaîtra. René Char