Mine de rien, le temps passe. J'ai beau être encore le plus jeune dans la pièce, bien souvent, cela est de moins en moins le cas. Mes vingt ans sont déjà loin. Je fais moi aussi partie de cette dernière génération qui a connu le monde sans Internet.
En France, selon l'Insee, 28 ans est l'âge moyen où les femmes ont leur premier enfant. C'était 24 ans dans les années 1960. Selon certains sondages américains, c'est aussi à 28 ans qu'une personne n'est plus considérée comme "jeune". C'est ce que pense également la SNCF, d'ailleurs, puisque ça y est, malgré un répit de quelques années, je n'ai plus droit à la carte jeune.
Je repense à tout ce que j'ai accompli, déjà (lire : ce qui a été fait). À tout le chemin parcouru. À tous ces souvenirs qui s'accumulent. "J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans. Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans, de vers, de billets doux, de procès, de romances, avec de lourds cheveux roulés dans des quittances, cache moins de secrets que mon triste cerveau." En déménageant, on mesure tout ce que l'on possède, de cartes postales, de lettres, de babioles, d'objets divers. On prend conscience aussi de toutes les images que l'on garde en mémoire, en tête ou au cœur.
Mais qu'ai-je appris, de la vie, que je ne savais pas à vingt ans ? Quelles leçons puis-je tirer de ces dernières années ? Voilà des questions qui ne sont pas simples, mais qui méritent d'être posées, je crois. Car au fond, grandir, ça devrait servir à ça : gagner en sagesse. Faire moins d'erreurs, comprendre ce qui se passe. Trouver, sinon un sens à la vie, du moins quelques principes fondateurs.
"Se mettre toujours dans des situations où il ne soit pas permis d'avoir de fausses vertus, mais où, comme le funambule sur sa corde, on ne puisse que tomber ou tenir - ou s'en sortir…" Nietzsche
J'ai découvert ce qu'était la vie active, le monde du travail, le stress, parfois, l'organisation d'une entreprise, ses travers. J'ai vu dans mon entourage des personnes qui n'étaient pas loin du burn out. J'ai compris ce qu'étaient les responsabilités professionnelles, ce que ça signifiait, de payer des impôts régulièrement. J'ai eu le temps de voir le monde changer.
J'ai été très triste, comme je ne l'avais jamais été. J'ai appris à ne pas le montrer. À me relever, comme un grand, en comprenant simplement enfin ce que racontaient tous ces romans que j'avais déjà lus, toutes ces chansons que j'avais déjà entendues. Ce n'était plus une fiction, une abstraction, c'était la vie. C'était mon tour. C'était à moi d'expérimenter tout ça.
J'ai ouvert un nouveau chapitre de vie, au sens fort cette fois, pour découvrir de nouveaux bonheurs quotidiens, de nouveaux univers, de nouvelles personnes. Ne pas repartir de zéro - encore heureux ! -, mais rebattre les cartes, pour un nouveau départ. Pour une nouvelle ivresse existentielle.
La seule différence, c'est que mine de rien, le temps passe.
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