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De son vivant

En sortant du cinéma, je me suis demandé ce que ça fait, d'avoir eu une vie aussi riche, aussi profonde. C'était presque trop beau pour être vrai. Le Sel de la Terre présente le travail - depuis quarante ans - du photographe Sebastião Salgado, ses voyages, son témoignage de la misère, de la famine, et des guerres internationales.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les photographies sont belles, touchantes. Ce n'est pas rien de se retrouver dans une salle obscure, face à l'image d'un enfant qui vient de parcourir plusieurs centaines de kilomètres dans le désert. Ou face à tous ces morts, le long des routes congolaises. On imagine ce que Salgado a dû ressentir, au fil des années, face à tant d'horreurs humaines. Lui les voyait de ses yeux. Directement.

Voilà un homme qui a vécu.

Je me souviens que ça m'avait fait un peu le même effet quand j'étais allé voir Sugar Man. Ce film, sur le chanteur Rodriguez, en donnait une image parfaite. Un artiste brillant, secret, oublié, toujours humble et comprenant, lui seul, le sens du monde. Je me souviens qu'en sortant de la salle, je m'étais un peu demandé ce que j'avais fait, moi.


L'avantage, quand on a une vingtaine d'années, c'est qu'on peut toujours se dire que nos réalisations viendront plus tard. On peut se dire qu'on a encore le temps.

On peut aussi relativiser : se dire que Salgado a probablement sa part d'ombre (que le film ne montre pas du tout). Ou bien que Rodriguez n'était pas aussi grandiose dans les concerts qu'il a finalement donnés, à Paris, après ce film qui faisait de lui un être d'exception.

Ensuite, on peut faire le bilan, et prendre conscience qu'on en a fait, nous-mêmes, des choses, mine de rien.

Il n'empêche, j'ai envie, encore et toujours, d'accomplir de grands projets. "Grands" pour moi, j'entends. J'ai envie d'être fier du chemin parcouru. Envie, quand je serai au seuil de mon tombeau, de me sentir au sommet d'une montagne, avec une vue imprenable sur ma vie.


L'existence n'a aucun sens. Aucune récompense ne nous attend dans l'au-delà. C'est précisément la raison pour laquelle il faut aimer la vie, rire, profiter, faire du bien autour de soi, et se faire du bien, aussi. Mais aussi créer, inventer, améliorer ce qui peut l'être, construire. Et rêver.

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