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Ces doigts qui pianotent

Chaque minute, des centaines de millions de mots sont tapés sur des claviers d'ordinateurs : requêtes sur Google, statuts sur Facebook, tweets, mails, recherches sur Youtube, Instagram, Pinterest…
De façon incessante, des doigts du monde entier pianotent gaiement.

J'écoute à l'instant une valse de Chopin, et j'imagine que c'est la parfaite retranscription musicale de tous ces doigts qui tapent au même moment des mots, des phrases, ici ou là. Comme si je pouvais entendre les autres écrire ; et comme si cela était harmonieux. Si chaque lettre sur un clavier produisait réellement une note de musique, il résulterait sans doute un brouhaha monstrueux. Qu'importe, j'aime l'idée que nous produisons collectivement une mélodie réjouissante. 

Derrière chaque inscription

Il ne faut jamais oublier que derrière chaque inscription, chaque enseigne dans la rue, il y a quelqu'un qui, un jour, a tapé ces mots, ces lettres, sur un clavier. Le "P" de "Parking" n'est pas né tout seul, ex nihilo. Un doigt a un jour appuyé sur la touche correspondante. Nécessairement.


Quand, assis au fond du bus, je regarde par la vitre les devantures des magasins, en lisant - comme un enfant à l'âge auquel il apprend à lire - "bistrot", "restaurant", "station service" ou "cinéma", j'aime me dire qu'un homme, ou une femme, a un jour écrit effectivement ces mots. 

Ils restent anonymes, ces écrivains du quotidien ; et pourtant, ils sont lus par des centaines de milliers de personnes, au fil du temps. 

Auteurs anonymes 

Un jour, quelqu'un que je ne connais pas a écrit cette formule que je connais si bien : "ne mets pas tes mains sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort".

On devrait se souvenir de l'écrivain inconnu, comme on se souvient du soldat inconnu.


Une chose est certaine : jamais les hommes n'ont autant écrit. Sur Twitter, à tout moment, vous pouvez faire une recherche sur n'importe quel sujet pour voir ce que cela inspire à d'autres que vous, ici ou ailleurs. 

Scripta Manent

Songez que derrière chaque mot tapé, il y a une conscience, une histoire, une individualité. Chaque inscription est une trace, au sens propre. Elle est ce qui demeure. 

Comme le dit la formule latine, Verba volant, Scripta manent : les paroles s'envolent, les écrits restent. Mais nous avons le droit - à défaut du devoir - d'imaginer les vies de tous ces auteurs oubliés.


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