Accéder au contenu principal

Le bonheur, au présent

Je me revois, cet été, sur le pont de ce bateau qui s'approchait de l'île Amantani, sur le lac Titicaca. Sous un ciel bleu immaculé, le vent qui se faufilait dans mes cheveux, "la poitrine en avant et les poumons gonflés, comme de la toile". Je sentais mon cœur qui battait, je balayais des yeux ce paysage sublime, semblable à ce qu'il a toujours été. Tous mes sens recevaient des stimulations réjouissantes. Soudain, j'en pris conscience, et je me dis en moi-même : tu es heureux

La plupart du temps, on mesure le bonheur une fois qu'il est passé. "On reconnaît le bonheur, paraît-il, au bruit qu'il fait quand il s'en va", chante-même Renaud. Il arrive parfois - et fort heureusement - qu'on le perçoive au présent. Au premier cadeau qu'on ouvre, sous le sapin, quand on est encore enfant. Au premier message échangé, quand on est encore adolescent. Au premier baiser, par un soir de printemps. Au fou rire, avec ses amis les plus chers. Aux premières vacances empreintes de liberté. 

La poursuite du bonheur est un concept étrange, quand il se formule ainsi. J'ai davantage l'impression qu'on peut se laisser surprendre par un sentiment de bonheur. Il survient, sans qu'on s'y attende nécessairement. Ce n'est pas une quête, pas une recherche effrénée ; ce n'est même pas vraiment une construction. C'est le bonheur qui vous saisit, plutôt que le contraire.

Charles Trenet chante à mon oreille : "Philosophes, écoutez, cette phrase est pour vous : le bonheur est un astre volage, qui s'enfuit à l'appel de bien des rendez-vous. Il s'efface, il se meurt, devant nous. Quand on croit qu'il est loin, il est là, tout près de nous. Il voyage, il voyage, il voyage… Puis il part, il revient, il s'en va n'importe où ! Cherchez-le ! Il est un peu partout."

Peut-être que le plus important, c'est d'ouvrir les yeux, au bon moment. De savoir profiter du bonheur quand il est là. De savoir le percevoir. De se laisser pleinement envelopper. De s'en rendre compte, simplement. De le vivre, au présent.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je propose Samdim

Tu es mon amour depuis tant d'années

T u es mon amour depuis tant d'années, Mon vertige devant tant d'attente, Que rien ne peut vieillir, froidir ; Même ce qui attendait notre mort, Ou lentement sut nous combattre, Même ce qui nous est étranger, Et mes éclipses et mes retours. Fermée comme un volet de buis, Une extrême chance compacte Est notre chaîne de montagnes, Notre comprimante splendeur. Je dis chance, ô ma martelée ; Chacun de nous peut recevoir La part de mystère de l'autre Sans en répandre le secret ; Et la douleur qui vient d'ailleurs Trouve enfin sa séparation Dans la chair de notre unité, Trouve enfin sa route solaire Au centre de notre nuée Qu'elle déchire et recommence. Je dis chance comme je le sens. Tu as élevé le sommet Que devra franchir mon attente Quand demain disparaîtra. René Char