Je me revois, cet été, sur le pont de ce bateau qui s'approchait de l'île Amantani, sur le lac Titicaca. Sous un ciel bleu immaculé, le vent qui se faufilait dans mes cheveux, "la poitrine en avant et les poumons gonflés, comme de la toile". Je sentais mon cœur qui battait, je balayais des yeux ce paysage sublime, semblable à ce qu'il a toujours été. Tous mes sens recevaient des stimulations réjouissantes. Soudain, j'en pris conscience, et je me dis en moi-même : tu es heureux.
La plupart du temps, on mesure le bonheur une fois qu'il est passé. "On reconnaît le bonheur, paraît-il, au bruit qu'il fait quand il s'en va", chante-même Renaud. Il arrive parfois - et fort heureusement - qu'on le perçoive au présent. Au premier cadeau qu'on ouvre, sous le sapin, quand on est encore enfant. Au premier message échangé, quand on est encore adolescent. Au premier baiser, par un soir de printemps. Au fou rire, avec ses amis les plus chers. Aux premières vacances empreintes de liberté.
La poursuite du bonheur est un concept étrange, quand il se formule ainsi. J'ai davantage l'impression qu'on peut se laisser surprendre par un sentiment de bonheur. Il survient, sans qu'on s'y attende nécessairement. Ce n'est pas une quête, pas une recherche effrénée ; ce n'est même pas vraiment une construction. C'est le bonheur qui vous saisit, plutôt que le contraire.
Charles Trenet chante à mon oreille : "Philosophes, écoutez, cette phrase est pour vous : le bonheur est un astre volage, qui s'enfuit à l'appel de bien des rendez-vous. Il s'efface, il se meurt, devant nous. Quand on croit qu'il est loin, il est là, tout près de nous. Il voyage, il voyage, il voyage… Puis il part, il revient, il s'en va n'importe où ! Cherchez-le ! Il est un peu partout."
Peut-être que le plus important, c'est d'ouvrir les yeux, au bon moment. De savoir profiter du bonheur quand il est là. De savoir le percevoir. De se laisser pleinement envelopper. De s'en rendre compte, simplement. De le vivre, au présent.
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