Rares sont les personnes qui ont un destin hors du commun. C'est probablement l'un des principaux arguments du film Boyhood - au demeurant assez longuet - qui met en scène plusieurs personnages, filmés pendant douze ans. Ceux ci grandissent, ou vieillissent, sans que ne se dégage véritablement de sens à leur existence. Ils franchissent simplement le mur des ans, "sans miracles plein les oreilles", sans événements extraordinaires. La vie passe. C'est tout.
Ce que ce film ne montre pas, je trouve, c'est l'intensité de certains moments de vie. J'ai vécu, moi, je le sais, de nombreuses fois, ce sentiment profond d'exister. Celui-ci est né d'une impression, un soir d'automne, lorsque la pluie venait tomber sur les phares des voitures. Il est apparu lorsqu'une fille que j'aimais m'a regardé différemment pour la première fois. Il m'a envahi lors de certains effleurements : ces premiers contacts amoureux, si puissants. Il s'est propagé lorsque certaines lèvres se sont posées sur les miennes. Mais c'est aussi un doux sentiment qui vient sans raison véritable, au moment de m'endormir, ou de m'éveiller.
"Lorsque je me réveille et que je suis en vie. C'est tout ce qui m'importe, bien plus que le bonheur", pour reprendre les mots de Renaud. Je suis sûr que ce sentiment surgira aussi lorsque mon futur enfant me tiendra par la main. Lorsque ce sera son premier jour à l'école, sa première rentrée des classes. Quand je sentirai son émotion, quand je me souviendrai de la mienne, à son âge.
Le sentiment d'exister, c'est aussi celui de l'épreuve. Quand on affronte l'existence. Quand on perd quelqu'un qu'on aime, quand on tombe malade, quand on se retrouve seul, quand tout s'écroule. Tout le monde connaît ça. Tout le monde vit, à un moment ou à un autre, cette souffrance-là. Celle qui vous fait renaître une seconde fois.
L'homme se tient sur une brèche. J'ai déjà parlé de ce sujet, plusieurs fois. Nous sommes en équilibre, en permanence, et il faut avancer, prudemment, avec autant de confiance que possible. Le mieux, pour ce faire, et sans doute d'avoir à l'esprit les mots de Jaurès, dans son discours à la Jeunesse : "Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille ; c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel ; c'est d'agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l'univers profond, ni même s'il lui réserve une récompense".
Vouloir exister, en somme. N'être jamais fataliste, mais essayer d'aller de l'avant, toujours. Pour conclure, je terminerai par cette phrase, signée Jean Baudrillard : "Nous ne voulons plus d'un destin. Nous voulons une histoire".
Crédit photos : ©hifructose.
Vouloir exister, en somme. N'être jamais fataliste, mais essayer d'aller de l'avant, toujours. Pour conclure, je terminerai par cette phrase, signée Jean Baudrillard : "Nous ne voulons plus d'un destin. Nous voulons une histoire".
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