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Ce soir, à travers le bonheur

"Nul Homme n'est île complète en soi-même ; tout Homme est un morceau de Continent, une part du tout (…) La mort de tout homme me diminue, parce que je suis solidaire du genre humain. Ainsi donc, n'envoie jamais demander : pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi". Ces paroles de John Donne sont inscrites pour toujours dans ma mémoire. J'y repense souvent.

Cette capacité qu'ont les Hommes à se projeter… Je peux m'imaginer vivre des situations qui me sont totalement étrangères. Je peux me figurer prisonnier d'un avion en détresse, je peux me représenter un drame, quel qu'il soit. Me mettre à la place d'une personne atteinte du virus Ebola. Et je suis loin d'être le seul. Quiconque écoute les informations se projette, d'une façon ou d'une autre. C'est ce qui a assuré le succès des faits divers depuis plus d'un siècle.

Ce que d'autres vivent ; ce que d'autres ont vécu.

Je peux me mettre à la place des Poilus dans les tranchées, à la place d'un employé présent dans les tours du 11 septembre, à la place d'un alpiniste tombé dans une crevasse, à la place d'un otage retenu depuis plusieurs années en captivité. Il suffit, pour ça, d'un peu d'imagination

On peut tourner cette propension positivement, d'ailleurs : entrer dans la peau d'une personnalité qui réussit ce qu'elle entreprend, d'une star au sommet de sa popularité, d'un cosmonaute posant pour la première fois son pied sur la lune. Dans tous les cas, il s'agit de projections.

Mais il est important, je crois, quand tout va bien, de savoir aussi penser à ceux qui peinent. À condition de ne pas en être trop affecté non plus.

Et comme nous sommes lundi, je décide de conclure sur cette poésie de Charles Van Lerberghe, baptisée "Ce soir, à travers le bonheur". 

Ce soir, à travers le bonheur, 
Qui donc soupire, qu'est-ce qui pleure ? 
Qu'est-ce qui vient palpiter sur mon cœur, 
Comme un oiseau blessé ? 
Est-ce une plainte de la terre, 
Est-ce une voix future, 
Une voix du passé ?
J'écoute, jusqu'à la souffrance,
Ce son dans le silence.
Île d'oubli, ô Paradis !
Quel cri déchire, cette nuit,
Ta voix qui me berce ?
Quel cri traverse
Ta ceinture de fleurs,
Et ton beau voile d'allégresse ?

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