Arrête un peu, mon Cœur, où vas-tu si courant ?
- Je vais trouver les yeux qui sain me peuvent rendre.
- Je te prie, attends-moi.
- Je ne puis attendre,
Je suis pressé du feu qui me va dévorant.
- Il faut bien, ô mon cœur ! que tu sois ignorant,
De ne pouvoir encor ta misère comprendre :
Ces yeux d'un seul regard te réduiront en cendre ;
Ce sont tes ennemis, t'iront-ils secourant ?
- Envers ses ennemis, si doucement on n'use ;
Ces yeux ne sont point tels.
- Ah ! C'est ce qui t'abuse :
Le fin berger surprend l'oiseau par des appâts.
- Tu t'abuses toi-même, où tu brûles d'envie,
Car l'oiseau malheureux s'envole à son trépas,
Moi, je vole à des yeux qui me donnent la vie.
Philippe Desportes (1546-1606)
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