Il faut que j'arrête de regarder “On n'est pas couché”.
En nostalgique des émissions de “Tout le monde en parle”, il m'arrive souvent de regarder France 2 le samedi soir. Après des années à écouter Zemmour en prime time nous répéter les mêmes refrains réactionnaires - ce qui était déjà assez pénible, bien souvent - j'espérais que les choses allaient s'arranger.
La fois de trop
Mais hier, c'était la fois de trop. Laurent Ruquier a trouvé intelligent d'inviter en guest star sur son plateau l'auteur d'un ouvrage controversé qui soutient que notre société est victime d'un phénomène “d'ensauvagement”. Un livre dans lequel l'auteur accumule des faits divers morbides, accompagnés de statistiques soigneusement sélectionnées, pour “arriver à la conclusion (parfaitement explicite) que tout cela est de la faute des Arabes et des Noirs et qu'il faut ouvrir des centaines de milliers de nouvelles places de prisons pour les y enfermer”, comme le souligne Laurent Mucchielli sur son blog.
Surtout, l'objectif du livre est de remettre l'insécurité au cœur des débats, car c'est un sujet qui serait trop peu abordé dans les médias. Un sujet dont on ne parlerait pas, par pudeur, sans doute.
Pour ce qui me concerne, je pense que les médias raffolent déjà de cette insécurité-là, celle du fait divers, celle du spectacle, celle de la douleur affichée, de la peur générée.
Pour parler du vrai sujet, des vrais problème, il faut du recul, il faut de l'intelligence, il faut du travail. Il ne faut pas un titre racoleur, il ne faut pas une thèse simpliste, il ne faut pas des comparaisons bancales, il ne faut pas de la mauvaise foi. Il faut des exemples et des contre-exemples, il faut des solutions, des propositions, ce que l'auteur se défend d'apporter. Il faut voir ce qui se passe ailleurs, dans tel ou tel autre pays d'Europe, voir comment on peut améliorer les choses.
Dénoncer un problème sans chercher à le résoudre, c'est faire partie du problème. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Gandhi.
Notre avenir commun
Est-il à ce point impossible aujourd'hui d'aborder ce type de questions avec discernement, sans chercher à vendre un bouquin, ou à se faire élire à la tête d'un parti politique en parlant de pain au chocolat ? Ne peut-on pas parler d'insécurité, ou de phénomènes de violence, en les analysant finement, sans ce ton alarmiste qui ne fait qu'attiser les braises ?
Je suis certain que je pense comme mes concitoyens : je veux une société où l'on se sent protégé, où l'on se sait libre d'aller et venir, sans craindre pour ses biens, ou pour sa vie (la bourse ou la vie). Ces sujets devraient nous rassembler, et non nous opposer.
J'en veux à Ruquier de contribuer à promouvoir très largement un ouvrage de ce type, qui n'apporte rien, qui ne résout rien, qui ne sert à rien.
“Nous cherchons ce qui sert, vous cherchez ce qui nuit.
Chacun a sa façon de regarder la nuit”.
Oui, décidément, le samedi soir, désormais, je lirai Victor Hugo plutôt que de regarder Laurent Ruquier.
Même si je pense que lire Victor Hugo est une alternative saine à la consommation TV, j'ai un petit bémol à l'encontre de ce que tu écris.
RépondreSupprimerCertes, le choix de l'invité est sans doute racoleur (mais c'est là le jeu des médias dans leur ensemble, qui font monter des mayonnaises à coups de polémiques bien choisies ert de boucs émissaires caricaturaux).
Pour autant en ce qui me concerne, je continuerai à regarder ONPC pour une bonne raison : c'est à mon sens l'une des émissions qui permet le mieux de se formuler son propre avis sur les invités, sur les sujets de société car elle se dote d'un triptyque assez unique dans le PAF : un chef d'orchestre qui s'efforce de rester neutre, et deux chroniqueurs censés argumenter la thèse et l'antithèse de ce qui sort assez souvent comme une analyse plus complète que dans d'autres médias.
La liberté d'expression existe dna sl'émission de Ruquier, mais elle est dotée de garde-fous : chaque auteur est libre de se défendre, mais doit faire face aux critiques argumentées des chroniqueurs. Et même si je en suis pas particulièrement fan de Caron, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il a entamé sérieusement la crédibilité de l'auteur tout en dénonçant de façon claire et nette ses travers idéologiques, a priori "subtilement distillés" dans ses textes.
Au final, l'émission a eu le mérite de parler de questions qui ne doivent pas être occultées (malgré la saturation de chiffres dont les médias nous abreuvent), mais elle a surtout eu le mérite de mettre en face de l'auteur des personnes capables de démonter les constructions hasardeuses et dénoncer ses dérives.
Merci pour ton commentaire.
RépondreSupprimerJe ne sais pas si tu as un peu regardé les réactions sur Twitter, mais comme tu t'en doutes sûrement, Caron a été perçu comme "un bobo gauchiste qui s'énerve", par comme "un contradicteur qui entame sérieusement la crédibilité de l'auteur tout en dénonçant de façon claire et nette ses travers idéologiques".
Par ailleurs, il est certain que cette émission va permettre de multiplier par 10 les ventes d'un ouvrage qui comporte de nombreuses "constructions hasardeuses" comme tu le soulignes toi-même.
Je ne suis pas contre la liberté d'expression - comme tu le sais. Simplement, le présentateur d'une émission à forte audience a une grande responsabilité. Il faut savoir être à la hauteur de cette responsabilité, et ne pas inviter n'importe qui, sous prétexte que “ça va faire parler”.
Ce qui m'a frappé à la vision de cette séquence de l'émission, c'est que cet ouvrage qui n'a absolument aucune légitimité scientifique soit propulsé sur le devant de la scène alors que des sociologues, des ethnographes et des anthropologistes produisent en France des quantités d'études sur le sujet qui - si elles ne sont pas neutres - s'efforcent tout de même de regarder les faits plus froidement que ce journaliste qui, de toute évidence, a des idées bien ancrées à droite. Quand Laurent Ruquier dit que Mme Taubira devrait lire ce livre, j'aimerais pouvoir lui répondre qu'elle a certainement mieux à faire !
RépondreSupprimerJe ne suis pas totalement d'accord avec toi.
RépondreSupprimerD'abord, ne choisir que des auteurs "acceptables" reviendrait à faire ce que tu reproches à l'invité d'hier, c'est à dire ne présenter ne les choses que sous un angle de vue, le sien.
Ensuite, tu concéderas que cet auteur était présent à la place de l'invité politique. Voilà à mon sens une manière assez habile de montrer que son bouquin n'est pas si "objectif", de le faire démonter par Polony et Caron pour autre chose que pour son style (critique cette fois inexistante) et de ne pas le garder sur le plateau après son intervention.
Je salue donc Ruquier qui a présenté un sale type et un livre probablement nauséabond (probablement, car ni toi ni moi ne l'avons lu, pas vrai?), me permettant ainsi de le connaitre et de ne pas rester dans l'ignorance de ceux que je combats politiquement. Alors oui, ONPC a du faire plus d'audience que d'habitude, et oui, le bouquin orange se vendra mieux que prévu. Mais très honnêtement, j'imagine peu de gens, non-extrémistes, l'acheter suite à l'émission d'hier.
Voilà pourquoi je continuerai à regarder ONPC.
"Dénoncer un problème sans chercher à le résoudre, c'est faire partie du problème."
RépondreSupprimerVoila qui sied parfaitement à votre billet.
@Sylvain oui, c'est ce qui m'a frappé également : la mise en avant d'un parfait inconnu pendant près d'une heure sous prétexte que son bouquin est controversé.
RépondreSupprimer@Vincent chacun est libre, et j'ai moi-même souvent regardé cette émission, comme je le dis dans mon billet. Mais c'est toi, justement, qui m'a récemment rappelé l'importance de s'appliquer une forme de rigueur intellectuelle et morale. Cela commence par ne plus être spectateur d'une émission souvent décevante.
@Anonyme Fair enough. :) C'est la raison pour laquelle j'ai hésité à le publier. Mais tu reconnaîtras que je m'efforce, billets après billets, sur ce blog, d'apporter quelque chose, bien souvent, et de ne pas me contenter du commentaire superficiel.
Certes Vincent, mais on donne plus facilement une tribune à des polémiste tel que ce Obertone plutôt qu'à des personnes dont les méthodes de travail sont reconnues par une communauté scientifique, c'est cela que je trouve le plus gênant. Vivement le retour de "Ce soir ou jamais" sur France 2, ça relèvera le niveau :)
RépondreSupprimerBasile, je suis bien d'accord. Et merci de me rendre hommage. Mais à mon avis, si tu ne regardes que ce qui est mieux qu'ONPC, tu ne vas pas regarder grand chose de nous jours. Après, chacun est libre mon ami. ;)
RépondreSupprimer@Vincent : l'avantage, c'est qu'il est tout à fait possible de se passer de la télévision aujourd'hui, grâce à Internet. Je regarderai Arte et Canal en replay, voilà tout. Bonne soirée !
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