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Campagne et feu de cheminée

Presque tous nos malheurs viennent de n'avoir pas su rester dans notre chambre”, écrit quelque part Baudelaire, en citant lui-même l'une des pensées de Pascal. Ceux qui cherchent le bonheur dans le mouvement, ou dans la foule, “craignant sans doute de ne pouvoir se supporter eux-mêmes”, s'égarent donc.

33 tours

La chambre a du bon, c'est vrai. Mais quelques jours à la campagne aussi. Pour retrouver le feu de cheminée, les meubles vieillis, les 33 tours de Juliette Gréco, Jeanne Moreau, Dylan, Gotainer ou Ferré. “On veille, on pense à tout, à rien. On écrit des vers, de la prose. On doit trafiquer quelque chose en attendant le jour qui vient”. Je pianote quelques lignes pour faire vivre mon blog. Devant moi les grands arbres que je perçois au travers de la fenêtre, le vent dans les branches, l'étang encore gelé, l'herbe fraîche du matin. “Tout le monde n'est pas Cézanne. Nous nous contenterons de peu. L'on pleure et l'on rit comme on peut. Dans cet univers de tisane”.


Petits plaisirs

Tout le monde n'est pas Cézanne, c'est certain. Mais tout le monde doit connaître ses petits plaisirs, ses plaisirs éternels. J'ai les miens : les pistaches jetées dans le feu, le jeu d'échec ouvert sur la table du salon, les musiques de mon enfance, l'odeur de la maison, la rosée du jardin. “Jeune homme qu'est-ce que tu crains ? Tu vieilliras vaille que vaille, disait l'ombre sur la muraille peinte par un Brueghel forain”.

Sortir de Paris fait du bien, de temps à autres. Ça permet de se retrouver face à soi-même, ce qui est toujours nécessaire. Il y a cette phrase de mon arrière-grand-père Victor Segalen que j'aime beaucoup : “J'étouffe dans cet espace à si peu de dimensions… J'ai besoin non pas d'air, mais de feu”.

Oui, moi aussi, cher arrière-grand-père, j'avais besoin de feu cette semaine. De feu de cheminée.

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