Accéder au contenu principal

Et Si J'écrivais Sur La Solitude ?

Elle est là. Dans mon dos, quand j'écris ces quelques lignes. Sur mon canapé blanc, silencieuse mais présente. Elle m'accompagne si je vais dans la cuisine, pour allumer le feu sous la casserole. La seule façon de la faire disparaître est de rejoindre des amis dans le soir automnal, à la terrasse d'un restaurant. Je la connais bien, elle m'a accompagné de nombreuses fois, lors de certaines soirées, à Lille, à Paris, ou ailleurs. La solitude.

On devrait pouvoir parler des sujets profonds, des sujets graves, sans gravité justement. J'ai en mémoire un billet de blog que j'avais écrit il y a quelques années, et qui avait inquiété ma mère. Elle me l'avait dit. Il n'y avait pourtant pas de quoi se faire du mouron, mais je comprends qu'on puisse, avec une lecture non innocente, se poser parfois des questions sur la façon dont les choses sont dites, dont elles sont ressenties.

Solicitude

En l'occurrence, cette solitude-là est très éloignée d'un désespoir morbide, d'un sentiment d'isolement que d'autres personnes connaissent, malheureusement. "Plus de deux millions de jeunes souffrent de solitude en France", ai-je lu dans la presse. Pour ma part, je n'en souffre pas, ou pas trop. Quand elle survient, dans mon dos, j'apprends à l'apprivoiser, à la comprendre, à la sentir. Je me fais à sa présence. Je me fais une raison. J'ai la liberté de la chasser, en me divertissant, à la mode pascalienne. Ou au contraire de m'y confronter, de la regarder dans le blanc des yeux.

En un sens, écrire ici me permet de l'éloigner quelque peu. Ses contours sont plus flous. Elle est à deux doigts de disparaître complètement. J'aime l'imaginer de différentes façons, ce personnage un peu mystique, cet alinoë mystérieux. Depuis le temps, j'ai comme une impression de déjà-vu. J'ai appris à la connaître, cette solitude. Comme la vieille dame dans cet épisode de Bref.


Beaucoup d'hommes et de femmes la redoutent, la fuient, s'occupent du mieux qu'ils peuvent pour ne surtout pas s'y confronter. C'est en grande partie la raison pour laquelle nous sommes si souvent amenés, les uns, les autres, à regarder l'écran de notre téléphone. Pourvu qu'il y ait un message, un cœur, un like, un pouce. Pourvu que j'y trouve un mail, un DM, un reply. Quand il n'y a rien, je scroll, je guette, je zappe, je parcours, je navigue sur la Toile, à la recherche d'une bouée.

Solide et solitaire

Pourtant, c'est essentiel de savoir prendre le temps : s'ennuyer véritablement, expérimenter pleinement ce vide, ce silence, cette pause. Ce rien. Cette absence. L'espace de cet infini. Lorsqu'on plonge dans cette atmosphère-là, la seule condition est de savoir en sortir, de savoir que l'on est suffisamment aimé, accompagné, pour ne pas s'y morfondre trop longtemps non plus. Savoir qu'on a un espace alternatif, fait de fêtes, de sourires, d'amour, de désir, d'amitié.

Savoir qu'on peut encore rouler des hanches,
Se saouler de printemps
S'en payer, des nuits blanches,
À cœur qui bat, à cœur battant.

Commentaires

  1. En parlant de solitude. Moi qui regarde ce miroir tous les matins et qui vois cette même figure empathique que je me suis forgé à supporter. Ce mec en face de moi pense sans nul doute qu'il est le seul sur terre à être comme il est, non parce qu'il se sent unique mais parce qu'il sait qu'il ne pourra jamais partager plus profondément qu'avec soi-même et qu'au fond il sait que le vide omniprésent qui réveille le silence mortuaire ne sera et sera toujours notre seul et véritable vue sur terre.

    Je proclame l'obsolescence de cette pensé momentanée et te souhaite à toi créateur de ces pages, le rédempteur de ma conscience présente, une belle vie.




    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je propose Samdim

Tu es mon amour depuis tant d'années

T u es mon amour depuis tant d'années, Mon vertige devant tant d'attente, Que rien ne peut vieillir, froidir ; Même ce qui attendait notre mort, Ou lentement sut nous combattre, Même ce qui nous est étranger, Et mes éclipses et mes retours. Fermée comme un volet de buis, Une extrême chance compacte Est notre chaîne de montagnes, Notre comprimante splendeur. Je dis chance, ô ma martelée ; Chacun de nous peut recevoir La part de mystère de l'autre Sans en répandre le secret ; Et la douleur qui vient d'ailleurs Trouve enfin sa séparation Dans la chair de notre unité, Trouve enfin sa route solaire Au centre de notre nuée Qu'elle déchire et recommence. Je dis chance comme je le sens. Tu as élevé le sommet Que devra franchir mon attente Quand demain disparaîtra. René Char