Accéder au contenu principal

Voilà la cause

"L'ensemble des causes d'un phénomène est inaccessible à l'intelligence humaine, mais le besoin de rechercher ces causes est inscrit dans l'âme de l'homme. Et l'intelligence, étant incapable de saisir la multiplicité et la complexité des conditions d'un phénomène, dont chacune peut paraître la cause, s'empare de la plus proche, de la plus facile à comprendre, et déclare : voilà la cause". 

Cette phrase, qui débute la deuxième partie du quatrième et dernier livre de Guerre & Paix, est au cœur d'une réflexion que Tolstoï met plusieurs fois en avant. Rien n'arrive simplement, rien ne se passe sans qu'une multitude de causes engendrent l'événement en question. Et parallèlement, nous nous efforçons sans cesse de trouver une cause immédiate, évidente, simplificatrice.

"Lorsqu'il s'agit d'événements historiques (dont l'étude porte sur les actes des hommes), c'est tout d'abord à la volonté des dieux qu'on a eu recours, puis à la volonté des hommes occupant la place la plus en vue de l'histoire, les héros historiques. Mais il suffit d'aller jusqu'au fond de n'importe quel événement historique (…) pour se convaincre que la volonté du héros historique non seulement ne dirige par les actions des masses, mais qu'elle est elle-même constamment dirigée". 

Les managers de toutes les grandes entreprises devraient lire Tolstoï. Ce serait sans doute plus formateur que toutes les formations par lesquelles ils passent. Les hommes politiques aussi, d'ailleurs. Nous sommes en permanence bercés par l'illusion qu'ils gouvernent, qu'ils décident, qu'ils gardent le contrôle sur les événements. Un tel pouvoir mériterait probablement quelques nuances.

J'aime plutôt l'idée que tout ne provient pas d'une simple liberté, d'un libre-arbitre, d'une décision souveraine. Que la plupart des choses qui se produisent dans notre vie émanent d'un ensemble complexe, incompréhensible à notre intelligence. Et j'aime donc Tolstoï, comme j'aime Spinoza et sa définition de la liberté humaine.

source photo : http://www.demilked.com/rosy-magenta-dawn-morning-photography-alex-ugalnikov/

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je propose Samdim

Tu es mon amour depuis tant d'années

T u es mon amour depuis tant d'années, Mon vertige devant tant d'attente, Que rien ne peut vieillir, froidir ; Même ce qui attendait notre mort, Ou lentement sut nous combattre, Même ce qui nous est étranger, Et mes éclipses et mes retours. Fermée comme un volet de buis, Une extrême chance compacte Est notre chaîne de montagnes, Notre comprimante splendeur. Je dis chance, ô ma martelée ; Chacun de nous peut recevoir La part de mystère de l'autre Sans en répandre le secret ; Et la douleur qui vient d'ailleurs Trouve enfin sa séparation Dans la chair de notre unité, Trouve enfin sa route solaire Au centre de notre nuée Qu'elle déchire et recommence. Je dis chance comme je le sens. Tu as élevé le sommet Que devra franchir mon attente Quand demain disparaîtra. René Char