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Les lumières de la nuit

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé les lumières de la nuit. À commencer par la lune, bien sûr, astre discret, rassurant, “féminin”, qui se laisse contempler aussi longtemps qu'on le souhaite, à la différence du soleil. La lune opaline de Cyrano, la lune de Va, Vis et Deviens, la lune qui conduit au songe du promeneur solitaire.

Je me souviens du temps où j'étais lycéen (puis jeune étudiant), dans ma chambre de bonne du quartier latin, où je grillais des cigarettes - j'étais fumeur alors - en observant les toits parisiens dans la douceur lumineuse de la lune. Cette époque où, comme toutes les personnes de mon âge - plus que jamais sans doute - je me demandais de quoi l'avenir allait être fait. Il y a un âge de la vie où l'on a le sentiment d'être au seuil de son existence.

La nuit porte conseil

Quel que soit le doute, la crainte, l'incertitude, ou le chagrin, la nuit peut apporter des réponses, panser les plaies. Elle enveloppe tout, lorsqu'elle tombe, et le calme se fait soudain. C'est le moment de la tranquillité, ou de l'insouciance, quand on décide de sortir prendre un verre avec des amis. Je pense souvent à ces rues heureusement illuminées, autrefois éteintes et dangereuses.


Les lumières de la nuit, pour moi, c'est aussi celles de la route, quand je dormais à l'arrière de la Nevada de mes parents, en rentrant de week-end. Sur la dernière banquette, emmitouflé dans des coussins amoncelés, je regardais défiler les éclairages urbains, la danse des phares de voiture. Quelquefois, ces lumières étaient sublimées par les gouttes de pluie sur la vitre.

Je n'ai pas de photo-souvenir de ces moments-là, mais c'est en moi. Certaines images sont très nettes, dans mon esprit.

Une lueur d'espoir

Au sens figuré, la lumière nocturne est source d'espérance. C'est ce qu'illustre parfaitement cette planche géniale de Franquin, qui fait une grande place à l'humour noir. C'est la renaissance d'une possibilité, le secours in extremis, le salut inespéré. Le soulagement qui survient quand on ne s'y attend pas ou plus.

D'une certaine façon, l'optimisme consiste à chercher la luciole dans la nuit.

Illustration © John MC Naught

[POINT BIOLOGIE] Saviez-vous, à ce propos, que le ver luisant n'est pas un ver, mais un insecte coléoptère de la famille des Lampyridæ ? Non ? Tant mieux, je tenais à vous l'apprendre.  “Contrairement à la plupart des insectes qui utilisent comme signaux sexuels des phéromones ou des sons, le Lampyre utilise la lumière. La femelle dresse son abdomen dont elle contrôle l'intensité lumineuse. Le mâle a des yeux hypertrophiés. (…) Une fois rejointe par le mâle, la femelle diminue son émission lumineuse lors de la copulation”.

Ce n'est pas si différent que pour l'espèce humaine, finalement. Si l'on pense aux "yeux hypertrophiés" de Tex Avery. J'aime en tout cas l'idée de cette intention délicate : la femelle qui fait doucement diminuer la lumière, comme on baisse l'intensité de la lampe de chevet, avant de se coucher amoureusement.

Je suis tenté, pour conclure, de citer une nouvelle fois la formule de Victor Hugo. Mais je préfère vous inviter à lire ou relire ce billet, qui contient la citation en question : nous avons, chacun d'entre nous, notre propre façon de regarder la nuit.

Commentaires

  1. night lights makes me feel safe ,reminds me there can always be light in the dark..

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