Accéder au contenu principal

De la tempête

C'est la tempête, paraît-il. En quelques semaines, beaucoup d'encre a coulé à ce sujet, dans les journaux. Nous traversons une mer en furie, nous dit-on. Une pluie lourde s'abat sur nous, et de nouvelles vagues s'écrasent chaque jour sur la proue de notre navire. “La poitrine en avant et les poumons gonflés”, nous escaladons “le dos des flots amoncelés que la nuit [nous] voile”. Nous devons éviter les récifs, tenir bon, réduire la voilure, garder courage.

Cette image singulière semble peu à peu faire sa place dans l'imaginaire collectif. 
Le thème est d'ailleurs déjà au cœur de la campagne présidentielle. Tout le champ lexical de l'ouragan y passe.

Tiens bon la vague et tiens bon le vent

Ainsi, nous devons choisir un capitaine de navire, et pas n'importe lequel : pour certains, il ne faut surtout pas en changer dans cette période houleuse. Pour d'autres, il nous faut un marin endurci, un vieux loup de mer, plein d'expérience ; pour d'autres encore, c'est d'un Surcouf dont nous avons besoin, un corsaire vaillant et talentueux. 
La figure de l'homme providentiel fait place à celle du navigateur salutaire.

La tempête - et ses convulsions - nous oblige à mesurer la portée de notre choix. Bien sûr, l'orage finira par passer, mais en attendant, il faut se montrer fiers et hardis, et affronter les bourrasques avec force et espérance. La métaphore est d'autant plus dangereuse que nous célébrons cette année le centenaire du Naufrage du Titanic. Ça ne présage rien de bon.
Vous envierez un peu l'éternel estivant, qui fait du pédalo sur la vague en rêvant”. Georges Brassens
Les Trente Glorieuses représentent une période de mer calme, où nous voguions gaiement. Ou, pour reprendre les termes adéquats, en souvenir de la météo marine (autrefois le soir, sur France Inter) : “mer peu agitée, localement belle, vent de Nord Est 3 ou 4, fraîchissant 4 ou 5, variable 1 à 3 en fin de matinée, puis s'orientant secteur Est 3 à 4 à la fin. Mer devenant belle”. 

(Je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne ce détour qui représente beaucoup pour moi, souvenir d'enfance à jamais gravé dans ma mémoire).


Les temps changent

Bref. Revenons-en à nos moutons, ces derniers faisant partie du champ lexical maritime, donc ça tombe bien. La tempête est là, désormais. Si tout le monde, ou presque, s'accorde à le dire, c'est que ça doit être vrai. Les temps ont changé. Dans ce contexte tumultueux, je relis Aragon :

Autrefois tout semblait ne pas nous concerner
Tous les événements portaient des millésimes
Tout se passait très loin très haut dans les années

Ce n'est que dans les journaux qu'on lisait les crimes
Rien n'arrivait jamais que les hasards prévus
On se trouvait heureux de ses malheurs intimes

La grêle brusquement sur nous s'est abattue
Elle coupe elle hache effiloche égratigne
Fouaille et fouette à la fois les feuilles éperdues

(…)

L'homme court en tout sens et les lampes s'éteignent
Son manteau se rabat sur sa face de sang
Il ne sait même plus si c'est l'âme qui saigne

Il ne sait même plus quel mal son corps ressent
Il crie et tout à coup s'étrangle d'épouvante
Il s'est pris dans la peur des troupeaux hennissants

Et la foule animale énorme et violente”. 

Le calme après la tempête

Il ne faut pas céder à la peur des troupeaux hennissants. C'est sans doute ma nature optimiste qui parle, mais nous finirons bien par arriver à bon port. Je suis sûr qu'il y a du bon à tirer de tout ça, en plus. Une meilleure gestion à venir, plus de sérieux dans les dépenses publiques, des investissements maîtrisés pour des projets cruciaux.
Je refuse de faire partie du pourcentage croissant de Français pessimistes.
“Si Dieu veut toujours droit devant, nous irons jusqu'à San Francisco” 



Commentaires

  1. Je ne valide absolument pas cette citation d'Hugues Auffray Basile, ABSOLUMENT PAS !

    RépondreSupprimer
  2. Ahaha les boys bands oui, mais pas Hugues Auffray. J'essaye de te faire plaisir, moi.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

L'image parle d'elle-même

35 % des Français interrogés par TNS Sofres  (en juin 2012) affirment avoir déjà posté plus de 100 photos en ligne. Un chiffre parmi d'autres, bien sûr, mais qui illustre assez bien notre époque : celle de la prééminence de l'image . La photographie avait déjà une place de choix dans les années 1980 ou 1990, c'est certain, mais elle est devenue une pièce maîtresse de la conversation .  L'image, élément de langage Comme le souligne très justement André Gunthert dans cet article  (que je vous recommande) : “ pour la première fois de son histoire, la photographie traditionnelle est devenue une pratique de niche au sein d'un univers plus vaste, structuré par les mobiles et les réseaux sociaux : l'image communicante ”. Et de rappeler qu'en France, en 2011, il se vendait 4,6 millions d'appareils photographiques (deux fois plus qu'à la fin des années 1990) contre 12 millions de smartphones. Le mobile et les réseaux sociaux sont de fait les

Remplacer “Week-End” par un mot français

T ous les lundis, on trouve des gens pour se plaindre . Et tous les vendredis, des gens pour se réjouir. C'est devenu habituel, commun, systématique. Des sites ont même été créés dans cet esprit.  http://estcequecestbientotleweekend.fr par exemple. Bien entendu, il y a des exceptions . Il y a des gens qui ne travaillent pas, ou des gens qui travaillent à temps partiel, voire des gens qui travaillent uniquement le week-end. Cela étant, on retrouve quand même ce rythme, éternel.  Ce qui est assez fou, quand on y pense, c'est que depuis le temps, personne n'a été capable en France de trouver un nom pour désigner le week-end . On utilise ce terme 150 fois par an, dans nos conversations, sans chercher à le remplacer par une expression made in France .  Bientôt le SamDim “Fin de semaine”, la traduction littérale de “week-end” désigne finalement le jeudi et le vendredi, dans le langage courant. Il faut donc trouver autre chose :  Je propose Samdim

Tu es mon amour depuis tant d'années

T u es mon amour depuis tant d'années, Mon vertige devant tant d'attente, Que rien ne peut vieillir, froidir ; Même ce qui attendait notre mort, Ou lentement sut nous combattre, Même ce qui nous est étranger, Et mes éclipses et mes retours. Fermée comme un volet de buis, Une extrême chance compacte Est notre chaîne de montagnes, Notre comprimante splendeur. Je dis chance, ô ma martelée ; Chacun de nous peut recevoir La part de mystère de l'autre Sans en répandre le secret ; Et la douleur qui vient d'ailleurs Trouve enfin sa séparation Dans la chair de notre unité, Trouve enfin sa route solaire Au centre de notre nuée Qu'elle déchire et recommence. Je dis chance comme je le sens. Tu as élevé le sommet Que devra franchir mon attente Quand demain disparaîtra. René Char