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Le désir affecte la perception. Prouvé, certifié.


Voici mon dernier article, publié ce matin sur le blog de l'Atelier. C'est peut-être un peu étrange de s'auto-citer de la sorte, mais je n'ai plus trop le temps d'apporter de l'eau au moulin de ce blog, alors je triche un peu. Pardonnez-moi. Je vais essayer de mieux m'organiser pour ne pas vous décevoir, fidèles lecteurs (j'aime imaginer que certains de mes lecteurs sont fidèles).
L'article concerne la perception que l'on a d'un objet désiré :

“Loin de moi l’idée de critiquer les expérimentations scientifiques. Celles-ci sont bien évidemment pertinentes, dans la plupart des cas. Je préfère que les choses soient claires dès à présent. Simplement, parfois, lorsque l’on tente de se figurer le déroulement d’une expérimentation, cela amène à se poser des questions.

Tenez, par exemple, le journal Psychological Science rapporte une série d’expériences pour le moins cocasses. Le résultat n’en demeure pas moins intéressant. Je vous demande un effort d’imagination. Je tiens à ce que vous vous concentriez un maximum, pendant que je vous relate ces expérimentations, afin que vous puissiez les visionner mentalement.

Commençons par la première : un certain nombre de personnes sont dans une pièce. Mettons, vingt personnes. J’imagine que jusque là, l’effort d’imagination n’est pas trop difficile. Vous divisez ce groupe en deux sous-groupes de dix personnes. Vous les isolez un instant.
Au premier groupe, vous donnez à boire des litres et des litres d’eau. En sorte qu’ils n’ont plus soif, au bout de quelques instants.
Au second groupe, en revanche, vous proposez des bretzels très salés (c’est véritablement ce qui est rapporté dans l’expérience, je n’invente rien). Vous arrivez à votre première conclusion scientifique : quand un groupe de personnes se trouve dans une pièce avec un bol de bretzels, ce dernier est vide au bout de quelques minutes. Mais tel n’est pas le résultat que vous recherchez pour le moment. Restez donc concentrés.
Reprenons. Le second groupe, après avoir mangé tous ces bretzels salés, meurt de soif. Donc, d’un côté, vous avez dix personnes abreuvées, de l’autre, dix personnes assoiffées.
Vous rassemblez le groupe dans une même salle. Vous les disposez le long d’une même ligne. Et vous leur demandez de vous dire à quelle distance se trouve la bouteille d’eau, que vous avez préalablement placée au centre de la pièce. Eh bien, je vous le donne en mille, les assoiffés auront l’impression que la bouteille d’eau se trouve plus près d’eux que les abreuvés, qui la verront plus lointaine. Autrement dit : lorsque l’on désire un objet avec ardeur, il nous semble plus proche. Etonnant non ?

Pour confirmer ce premier résultat, déjà saisissant je vous l’accorde, les scientifiques sont allés encore plus loin.
Deuxième expérience : vous donnez à un autre groupe de personnes des petits sacs, et vous disposez deux types de cartons sur le sol. Certains de ces cartons correspondent à une somme de 25 dollars, quand les autres ne rapportent strictement rien. Demandez ensuite à votre groupe de volontaires - ou de cobayes (ce qui revient au même) - de lancer leurs sacs sur les différents cartons qui jonchent le sol de la pièce. Et là, incroyable, vous obtenez la confirmation de votre résultat précédent : lorsque vos cobayes ont visé les cartons qui rapportaient 25 dollars, ils ont lancé leurs sacs plus près que lorsqu’ils visaient les cartons qui ne rapportaient rien. Donc, oui, décidément, plus on désire quelque chose, plus on l’imagine près de soi. C’est fascinant.

Ces deux expériences me posent néanmoins un problème certain. En effet, qu’advient-il si l’on prend un groupe de personnes à la fois assoiffées et affamées, et qu’on les place dans une pièce où il y a à équidistance une assiette succulente, d’où s’échappe un fumet savoureux, et un breuvage dont on devine aisément à quel point il désaltère. De l’assiette et du breuvage, lequel les volontaires choisiront-ils des deux ? Lequel verront-ils le plus proche ? C’est un problème majeur qui me fait penser à l’âne de Buridan. Un âne mort de n’avoir su choisir entre sa soif et sa faim : entre le seau d’eau et le picotin d’avoine, le choix était trop dur.”

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